Auteur: Soumaya Ben Romdhane
Résumé :
Résumé :
Plusieurs
écoles essayent de retracer les constructions des villes d’hier par le paysage.Les
agriculteurs, les horticulteurs, les botanistes, les théoriciens, les
architectes…ont le mérite de retracer la ville arabo-musulmane. Le monde
musulman s’étend de l’Espagne à l’inde avec des capitales de rêve : Bagdad,
Grenade,Kairouan, Le Caire, Damas…« A Bagdad furent reprises par les
jardiniers arabes les animations hydrauliques et solaires extraordinaires…En
Andalousie, à Cordoue, Séville et Tolède, et notamment dans les jardins de
l’Alcazar à Séville, à l’aube du deuxième millénaire les jardiniers arabes
d’Espagne créèrent les premiers jardins botaniques et précisèrent les
techniques d’irrigation par bassins et rigoles d’irrigation. Le jardinier
devient alors botaniste, herboriste et pharmacologue. Ibn-al-Baitar savait
décrire avec talent la beauté des roses autant que leurs vertus médicinales et l’architecte
de jardin et poète Ibn Lyuna indiquait comment choisir la disposition des jardins,
des potagers et des bâtiments de travail… »(Donadieu et Rejeb, 2009, p25).Dans
ce cadre, la recherche que nous menons s’organise autour de deux axes:Tout
d’abord, une approche historique qui cherche à préciser rôle de
l’agriculture dans l’organisation et la
régulation des villes arabo-musulmanes.La seconde partie présente une approche contemporaine aménagiste qui cherche
à trouver une stratégie contemporaine afin de tendre vers un idéal urbain(une
ville saine où il fait bon vivre) à la
fois novateur (donc créatif) et anticipateur (donc réaliste), moyennant une
inspiration du modèle paysager des villes arabo-musulmanes.
Mots
clés :
Agriculture, jardins islamique, idéal urbain, ville verte,
espace vert, culture de l’eau, irrigation…
Supports
et logistique:
-Plan
d’aménagement actuel de la ville de Kairouan (format pdf)
-Plan d’aménagement actuel de la ville de Testour (format
jpeg)
-Plan de Kairouan Raqqada, gestion du patrimoine culturel
18/05/1998(format jpeg)
-Kairouan city Plan 1943(format
jpeg)
Plan de la ville de Kairouan ministère de la guerre, Brigade
topographique de Tunisie 1887(format jpeg)
Introduction :
L’empire
islamique a dominé plus qu’un millénaire et il a envahi le demi de la planète.
Comme toute civilisation cette expansion a laissé des traces sur l’humanité que
nous les aborderons du côté urbanistique et architectural. Nous nous
intéressons aux spécifications du paysage développé au cours de cette période
en focalisant sur l’agriculture dans les villes arabo-musulmanes. Le paysage et
l’agriculture sont certes le résultat du développement historique, culturel,
esthétique et idéologique de l’activité humaine. En effet, l’islam est né dans
un pays où « tout prédispose l’homme à apprécier les bienfaits de la nature,
car elle n’en est guère prodigue » (Baridon, 1999, p.210). Le climat dur et
très aride de la péninsule arabe fait rêver les habitants du paradis et du
plaisir que procure cet espace. Louis Gardet, dans son article
« Djanna » de l’encyclopédie de l’islam, décrit le paradis de la
façon suivante :« Les jardins seront sublimes fontaines à l’eau
jaillissante, fontaines aromatisées de
camphre ou de gingembre. Ils seront parcourus par des ruisseaux d’une eau vive. L’ombrage des
arbres magnifiques, rares et généreux sera large et étendu. On trouvera des
fruits à profusion et à toute saison. Les épines des végétaux n’existeront
plus. Des pavillons s’y trouveront, occupés pardes vierges (les houris), prêts
à accueillir les élus.Des parterres de plantes belles et précieuses seront
séparés les uns des autres par des canaux d’eau fraiche. Des chemins tracés en
suivant les axes du jardin permettront de se promener dans ce paysage
idéal. » (Gillot, 2006)
Dans
le coran maintes versets décrivent le paradis et insistent sur le côté végétal
de ce dernier, nous citerons en guise d’exemple:
« Les
jardins seront sublimes, faits de matière raffinée et où l’on peut trouver le
repos moral, la jouissance du corps et la satisfaction visuelle(…) » (Al
Kahf, 18-31)
« Les
jardins seront garnis de nombreuses fontaines à l’eau jaillissante, fontaines
aromatisées de camphre ou de gingembre(…) » (Al Hijr, 15-45)
« Ils
seront parcourus par des ruisseaux d’eau vive. Des plantes touffues ou
clairsemées, avec un ombrage généreux et étendu d’arbres magnifiques et
rares » (Al An’am, 6-141)
« On
y trouvera des fruits à profusion et à toute saison » (Arrahman, 55-54)
Le
premier Khalifa de l’islam, Abu bakr, donna l’ordre à ses soldats de n’abattre
aucun palmier, de ne bruler aucun champ de blé, de ne ravager aucun verger car
le coran enseignait que l’homme se devait protéger la nature.
Le mythe
sur lequel se fonde le jardin c’est le paradis terrestre; un lieu de rencontre
et d’harmonie entre l’homme et la
nature. Le jardin prend une dimension cosmique, métaphysique et
mystique. « Le jardin est conçu comme un microcosme dans lequel est projetée
l’idée du paradis » (Latiri, 2011). Les deux exemples les plus somptueux
en Europe sont ceux d’Alhambra à Séville et de Généralife à Grenade.
Problématique :
Il semble
que l’islam ait imprégné des manières de composer et de penser l’agriculture qui
préexistait dans les régions où il s’est imposé.
Dans
notretravail, on propose d’analyser les
paysages de Testour et de Kairouan pour mettre en évidence l'existence d'une
culture paysagère spécifique. Nous étudions la manière dont la structure
urbaine s’inscrit dans son territoire, la forme donnée aux espaces publics, les
rapports établis entre les constructions et les espaces libres, le rôle des
végétaux qui peuvent donner accès à une dimension symbolique.
Notre
premier exemple est Testour qui est unecopie conforme des villes andalouses
d’Espagne avec ses ruelles droites et bien tracées formant un échiquier, son
architecture hispano-mauresqueet ses champs prospères. Elle a hérité de
l’Andalousie des connaissances en botanique, hydraulique et irrigation (les
moulins à eau..). " Elle se trouve sur la rive droite de la Medjerda.
Elle occupe un terrain en pente douce, peu élevé. Les parties les plus basses
de la ville sont à 70 mètres et celles les plus hautes sont à 107 mètres (par
rapport au niveau de la mer). Testour est bordée de monticules d’environ 400
mètres de hauteur. Les monts AlHindî, Al-Luhûd, Sanâ al-Jamal et TallatMabrûka
dominent la rive gauche, alors que les monts Jarwîl, ShablîetKharrûba dominent
la rive opposée."L’agriculture héritée de l’Andalousieest très exprimée
dans cette ville ; Dans chaque patio des maisons de Testour on trouve l’arbre de ‘Naranj’ qui offre son
parfum, ombrage et embellissement pour les membres de la famille. Dans les ‘Souani’(les
grands vergers et potagers en périphérie de la ville), on constate une
dominance du figuier, de l’olivier et de grenadier, ses espèces sont évoquées
dans le coran d’où leur conation sacrée.« Des
jardins d’oliviers parsèment la campagne d’alentour. Ceux de la rive droite
sont désignés sous le nom andalous d’elBergil. » (Marçais,GPage 16). Que
ce soit dans l’espace intérieur (patio) ou extérieur (swèni), les essences des
jardins sont considérées comme bienfaisantes et sacrée.
Notre deuxième exemple est Kairouan qui
est une mégapole de l'Islam (une
juxtaposition de cités associées) et une ville de steppe qui a connu une forte civilisation urbaine. Outre
Kairouan, les sites de Qasr al-Ma, Qasr al-Qadim/al-Abbassiya, Raqqada et
al-Mansuriya/ Sabra ont été des foyers de vie citadine.
Al Abassiya « KasrElma ou EL qasr
El qadim » est le lieu où on trouve
le plus grand potentiel hydrique de Kairouan non seulement par le fait de
l’abondance de la nappe phréatique mais parce qu’elle est constamment alimenté
par les grand oueds de Kairouan. Les Aghlabides ont doté leurs nouvelles villes
de plusieurs installations. On constate que l’énorme pont qui relie Al Abassiya
à la ville de Kairouan affiche la vassalité des Aghlabides envers leurs maîtres
de Baghdad. Al Abassiya est un lieu de détente et villégiature (muntazah).
C’est aussi un lieu de passage et une entrée de ville. En effet, les
expériences urbanistiques qui ont vu le jour dans les environs de Kairouan ont
été dans la direction sud-est vu la richesse en eau et l’abondance des limons.
Le but
majeur de cette recherche est d’examiner comment l’agriculture a servi à
qualifier le cadre de la vie humaine et sociale à Testour et Kairouan et à quel
point elle a contribué à influer
l’urbanisme et l’espace architectural.Au regard de ce qui précède la
question cardinale qui se pose : Comment
l’agriculture a attribué à la genèse et à l’évolution du paysagearabo-musulman ?
D’autres questions jaillissent systématiquement de cette
dernière:
•
Comment identifierles spécificités
urbaines et le dialogue paysager entre l’urbanisme et l’espace vert jardin dans
la ville arabo-musulmane ?
•
L’agriculture islamique peut-elle
nous guider à réfléchir au concept de la ville verte perçu comme le véhicule de la civilisation
moderne ?
•
Comment peut-on chercher une façon
adéquate pour adapter les conceptsde l’agriculture islamique pour la diffusion d’injonctions au verdissement de la
société surtout que les villes tunisiennes concentrent depuis plusieurs
décennies des difficultés économiques, sociales et urbaines?
•
Autrement dit peut-on consommer le
concept du paradis avec ses différents
symboles, la sérénité, l’éternité et la paix et récupérer la charge imaginaire
du jardin mythique arabo-musulman pour en faire un projet urbain ?
•
L’agriculture peut-elle devenir un
pilier de l’aménagement urbain ?
•
Peut-on évaluer et élaborer un
nouveau modèle urbain la ville jardin ?
Méthodologie
D’emblée, nous
chercherons dans l'histoireles sources d'influences et les caractéristiques de
l’agriculture des villes arabo-musulmanes afin de mieux comprendre le
paysage de la ville projet de l'analyse.
Puis, nous
cherchons à décortiquer les composantes du paysage urbain de la ville de
Kairouan et de la ville de Testour : palais d'émir, souk, habitations, citernes
d’eau, jardin… et la nature des relations qui existent entre eux à partir de
cartes anciennes, des cartes d’état-major, des photographies aériennes, les
livres d’histoire des documents d'archives, la littérature géographique et
poétique et d'observations de terrain.
En parallèle, nous opterons pour une
description méthodique qui tient compte du:
•
coté géographique : topographie,
plaines, routes, agriculture, rivières etc.
•
coté
naturaliste : flore et faune
•
coté ethnographique : peuples et
mœurs, croyances et curiosités, toponymie
Ensuite, nous nous concentrons sur
l’agriculture et son impact sur le paysage. Essentiellement, nous focalisons sur
la manière avec laquelle l’agriculture rythmeet jalonne le territoire et sur la
façon avec laquelle elle assure à la fois la maîtrise du territoire et son
habitabilité.
En effet, nous étudions les formes
qui seront le lexique de base de l'aménagement : bassins ronds ...et nous
focalisons sur leurs caractéristiques comme la régularité qui ne témoigne pas
seulement d'une volonté de mise en ordre formelle et symbolique du monde, mais
aussi, dans le contexte islamique, c’est le dévoilement de l'ordre divin caché
sous les apparences du monde terrestre.
Nous cherchons également les
différentes fonctions que l’agriculture peut les occuper, ses caractéristiques
et la pratique sociale qui lui est attribuée …
Enfin, nous synthétisons et
extrayons les différentes notions, concepts, types de relations, le modèle
paysager...qui peuvent éventuellement être utilisés pour le verdissement de la
société contemporaine. Les espaces verts seront la base de la composition
urbaine .C’est autour d’eux que peut se structurer le bâti car peu importe sa
taille, l’agriculture rassemble et représente un vecteur majeur de la centralité.
Notre travail comportera
essentiellement deux approches: une approche historique et une approche
contemporaine aménagiste.
Approche
Historique
La notion de l’espace en
islam dans le coran (l’espace vert en particulier):
La Notion de l’espace « Djenna » prend une
dimension et une importance toute particulière dans le coran et en un mot c’est
la récompense de ceux qui font le bien sur terre. Le texte divin a doté la
« Djenna » d’une description luxurieuse et luxuriante.
Les sources d’influence de l’espace
vert musulman:
*Chahar-Bagh
(vision culturelle): Un « charbagh » (étymologiquement : « quatre jardins »)
est considéré comme l'archétype du jardin islamique : un enclos de verdure
quadripartite entouré de hauts murs, structuré par les canaux issus d'un bassin
central.
*La
Tapis nomade (vision sociale): Le tapis nomade est coloré souvent en vert et
contient des motifs géométriques, des représentations de fleurs et des
arbres... Les nomades s’en sert pour
faire la prière, s’assoir, un signe de faveur politique…
*L’enclos
(vision philanthropique de l’espace) : C’est la notion de fermeture pour
se centrer, s’isoler…pour que le cerveau s’intériorise et se concentre sur la nature. C’est une initiation à la
philanthropie.
*La
géométrie (vision artistique non figurative): De manière générale, on distingue
dans les jardins islamiques les notions
de (« régularité»,« ordre »,« symétrie »,« belles proportions », etc… En un
mot, paysager un lieu, c'est le géométriser.
*Le
Coran (vision édénique du paradis): Le vocable de loin le plus fréquent dans le
Coran pour désigner le jardin est Djeanna, employé 66 fois au singulier, 69
fois au pluriel (Djenèt) et 7 fois au duel (djenètèni ou Djenatayni). Laquasi-totalité
de ces attestations renvoie au jardin du paradis. C’est en premier lieu le
jardin où séjourna Adam. Les musulmans irréprochables en seront propriétaires.
Il est le jardin de
l’immortalité, « djannat al-khuld », le jardin de délice,
« djannat al-naim » (au pluriel est plus fréquente, le jardin
d’Éden, « djannatadan », le jardin du Paradis, « djannat
al-firdaws », le jardin sublime « djannataliya », ou les jardins
sous lesquels coulent les ruisseaux. Dans ces jardins se trouvent des sources
« ouyoun », des salles « gouraf », des demeures agréables
« masakintayyiba ». La représentation coranique précise que ce jardin
paradisiaque a la grandeur du ciel et de la terre réunis et se trouve près du
jujubier de la limite « sidrat al-muntaha ».L’intérieur est bien
ombragé et parcouru de ruisseaux d’eau courante, de lait « laban »,
au goût non altéré, de vin « khamr » véritable volupté, de miel
« asal » purifié.
Si « Djanna » l’emporte
très largement dans le Coran, d’autres vocables sont à relever comme le
parterre fleuri « rawda » la demeure du Salut « dar
al-salam ».Or le vocable « rawda » évoque un jardin à
l’intérieur d’un grand palais. Ce paradis possède des portes avec des gardiens.
Tout semble donc sous-entendre qu’il y a dans ce paradis des palais merveilleux
dans lesquels sont installés les fameuses Houris, mais aussi les élus richement
habillés. Ils porteront des bracelets « asawir » en or, en argent, en
perles. Ils seront revêtus de vêtements en soie, de couleur verte et seront
appuyés sur des coussins verts.
Un
autre aspect du paradis qu’il convient maintenant de développer est la
boisson « charab », dont les élus jouiront. Cette boisson
exceptionnelle faite à partir d’un mélange de camphre, ou de gingembre, leur
est servie par des éphèbes immortels « wildan » ou
« gilman ».
La plaisir de la boisson est
accompagné par le plaisir du manger. Les élus trouveront toutes sortes de
fruits en grand nombre, et à portée de main, dans des vergers
« hadaiq ».
Plusieurs arbres sont mentionnés:
les palmiers, les grenadiers et les vignes. Ils pourront également goûter aux
viandes fines des oiseaux. Les plats sont en or.
Mais le plaisir le plus subtil reste
sans doute la compagnie des fameuses “épouses purifiées” « azwèjamutahhara »,
que la tradition a identifiées aux vierges « abkar », que ni homme ni
génie n’a touché. Elles se distinguent par leurs regards modestes
« qasirat al-tarf ». Elles demeurent d’égale jeunesse
« atrab », coquettes « urub », belles « hisan »
comme le rubis et le corail. On trouve des rapprochements de cette description paradisiaque avec les jardins de
Baghdâd, de la Perse, de Grenade…
Premier
cas d’étude : l’horticulture islamique de la ville de Kairouan:
Kairouan
est la plus ancienne base arabo-musulmane du Maghreb. Elle fut conçue par Okba
Ibn Nafa en 670 après J.C. « Capitale de l’Ifriqiya pendant cinq siècles,
elle a été un lieu de diffusion exceptionnel de la civilisation
arabo-musulmane. Kairouan constitue un témoignage unique sur les premiers
siècles de cette civilisation et sur son développement architectural et
urbanistique. » L’environnement est aride et hostile. C’est un territoire
de plaine assez vaste et de collines ne
dépassant pas les 200 m d’altitude. Les basses steppes sont dominées par la
morphologie de plaines avec des sols fertiles sous une pluviométrie suffisante.
La
composition du paysage aghlabide:
Selon la carte ancienne de la ville, on distingue les
composantes du paysage urbain à Kairouan qui sont : Les palais, les
demeures d’émir, les logements, la mosquée, les souks, les bassins, les
aqueducs, le jardin…
*Les ouvrages hydrauliques
aghlabides (les bassins, aqueducs, les citernes…): Le réseau hydrographique est
constitué d’oueds violents au régime irrégulier. Le territoire du Kairouan
couvre un grand bassin versant formé des sous-bassins des oueds zroud et
marguellil, drainant les plaines centrales du territoire kairouanais, plus au
Nord l’oued Nebhana qui longe la limite du gouvernorat qui se déverse dans les
plaines de Sbikha.
« Al-Abbâssiya
offrait ses eaux à Kairouan pendant les sécheresses. N'y a-t-il pas là la
principale fonction de Qasr al-Mâ' ? La zone comme l'avait remarqué Solignac,
avait non seulement un apport constant par le fait de l'abondance de la nappe
phréatique, mais aussi elle était constamment alimentée par les grands oueds de
Kairouan. Ceux-ci apportent l'eau, ils amènent en même temps une masse
importante d'alluvions, ce qui contribue à la richesse de la région. Les
Aghlabides, à l'instar de leurs prédécesseurs, ont doté leur nouvelle ville de
plusieurs installations. On raconte qu'AbûIbrahîm Ahmad, le constructeur des
Grands Bassins aghlabides, avait édifié un énorme pont reliant al-Abbassiya à
Kairouan, il érigea également, un grand réservoir d'eau dans la ville d'al-Qasr
al-Qadîm.» (Mahfoudh.F 2003)
En effet, l’utilisation méthodique
de l’eau est une préoccupation des aghlabides qui ont excellé à stocker l’eau
dans de grands bassins « Les bassins furent construits sous le règne de
l’émir Abu Ibrahim Ahmad Ibn Muhammad, sixième prince de la dynastie aghlabide,
entre 859 et 863 de notre ère. ». Ses derniers donnent une preuve
indiscutable de l’expertise hydraulique de
cette civilisation. En effet, différents projets ont été entrepris afin
d’augmenter l’efficacité de la distribution de l’eau pour l’usage domestique et
agricoles. Les travaux hydrauliques assurent la maîtrise des ressources en eau,
indispensable à l'irrigation des cultures et aux établissements humains.
Nécessaire aux ablutions, l'eau a également une fonction religieuse primordiale
qui commande certains aménagements.On peut citer en guise d’exemple l’aqueduc
de Cherichera qui alimentait les bassins aghlabides de Kairouanet l’aqueduc de Bir el-Adine. « L’aqueduc de Bir
el-Adine qui draine les eaux du piedmont du Djebel Ouslet et les déverse dans
les bassins des Aghlabides, à kairouan, s’étendant sur 33 Km à l’aval. Ses
vestiges sontencore visibles.»(Mahfoudh.F 2003)
« Al-Abbâssiya
offrait ses eaux à Kairouan pendant les sécheresses. N'y a-t-il pas là la
principale fonction de Qasr al-Mâ' ? La zone comme l'avait remarqué Solignac,
avait non seulement un apport constant par le fait de l'abondance de la nappe
phréatique, mais aussi elle était constamment alimentée par les grands oueds de
Kairouan. Ceux-ci apportent l'eau, ils amènent en même temps une masse
importante d'alluvions, ce qui contribue à la richesse de la région. Les
Aghlabides, à l'instar de leurs prédécesseurs, ont doté leur nouvelle ville de
plusieurs installations. On raconte qu'AbûIbrahîm Ahmad, le constructeur des
Grands Bassins aghlabides, avait édifié un énorme pont reliant al-Abbassiya à
Kairouan, il érigea également, un grand réservoir d'eau dans la ville d'al-Qasr
al-Qadîm.» (Mahfoudh.F 2003)
*Les jardins aghlabides: Pour construire sa ville, Okba a dû ordonner le
déboisement de la zone. L’aspect très riche et très touffu de la forêt
kairouanaise est magnifié par al-Bakrî qui décrit la richesse du lieu en ces
termes : «A Kairouan dit-il on a pas d’autres bois à brûler que celui que l’on
coupe aux oliviers des environs, et chose bien extraordinaire, les arbres ne
souffrent en aucune façon de ce rude traitement ». La plaine méritait son
surnom de « Fahs al-Darrâra » la plaine de l’abondance.
« Le nom de fahs al-Darrâra donné à la
plaine atteste de cette fertilité légendaire. Le mythe de la fondation de la
cité révèle même l’existence d’une forêt extrêmement dense habitée par des
bêtes fauves et des reptiles, ce qui n’est pas forcément une légende. La
proximité des sebkhas nous est présentée, par ailleurs, comme étant
un des éléments déterminants dans le choix du site, puisqu’elles renferment une
réserve d’eau et de fourrages quasi inépuisable. »
Les jardins aghlabides
occupent maintes fonctions qui peuvent être décortiquées comme suit :
*Le jardin dédié à l’agriculture: Il y était pratiqué
l’élevage, la production de céréales, des fruits et légumes…
*Le jardin
dédié à la promenade la détente: « Al-Raqîq donne un récit très riche et
détaillé des festivités ; il indique clairement que Qasr al-Mâ' se trouvait à
deux milles au sud de Kairouan, qu'il y avait des constructions solides dont un
bâtiment à galeries, doté d'une scène avec rideaux ; Mûsâ, avait alors profité
d'un spectacle donné par des jeunes danseuses ; l'endroit nous est décrit comme
un parc très plaisant et attirant ; c'est un muntazah » (Mahfoudh.F 2003 )
« Al-Abbâssiya est aussi décrite par nos sources comme
un lieu de détente et de villégiature : un parc, muntazah »(Mahfoudh .F 2003)
*Les jardins d’Emir: « Un autre Aghlabide, Ibrahim II,
se fit construire une nouvelle résidence, également dans le voisinage de
Qairouan, Raqqada où il multiplia les travaux, élevant une mosquée, des
châteaux, dessinant des jardins. » (Mahfoudh .F
2003)
*Le jardin comme lieu d’affranchissement: « II est donc
bien clair que la route vers l'Orient passait par notre zone dénommée ici
al-Qasr. Zone très riche et densément occupée par des cours d'eau important
tels que Oued Zroud, Srawil (peut être actuellement oued Mâlih) et oued
al-Tarfa, etc., » (Mahfoudh.F2003)
*Les palais Aghlabides à Raqada : «... les résidences
et les palais des Aghlabides sont à deux milles de Kairouan, ils sont entourés
de clôtures et furent habités jusqu'à ce qu'Ibrahim Ibn Ahmad construisît, à
huit milles de Kairouan, la nouvelle cité dite de Raqqâda. C'est là qu'il
érigea son palais ».
*Les zaouias: La zaouia est un
édifice religieux qui contient le tombeau d’un homme saint et les habitants le
fréquentent pour assister aux cultes des saints, aux fêtes liées à un événement
relatif au bonheur populaire comme le moussem… En guise d’exemple La
Zawiya de Sidi Abid el Gahriani et La Zawiya de Sidi Amor Abada.
*Les mosquées:
Kairouan est une cité sacrée et mythique. Personne ne peut l’évoquer sans
parler de la grande mosquée de Kairouan ce lieu de prière formant un
quadrilatère de 135 mètres sur 80 mètres et comprenant, au sud, une salle de
prière hypostyle de dix-sept nefs soutenue par une forêt de colonnes en marbre
et en porphyre et, au nord, une vaste cour dallée bordée de portiques
interrompus, dans l’axe du petit côté nord, par la forme massive d’un minaret
de plan carré à trois étages. D’autres mosquées célèbres à Kairouan : La
mosquée aux trois portes et La mosquée du Barbier.
*Les remparts : Ils ont pour
rôle de maintenir la sécurité. « Les remparts, édifiés
principalement en briques cuites
et en pisé,
entourent une médina de 54 hectares ; leur périmètre est de 3,5 kilomètres
pour une hauteur comprise entre quatre et huit mètres. »
*Les habitations : L’une des
caractéristiques de l’urbanisme arabo-musulman qui se manifeste clairement dans
les logements est l’urbanisme d’intimité qui se manifeste par les façades
aveugles sur les espaces de circulation. Les habitations sont juxtaposées les
unes au autres.
Approche contemporaine
aménagiste
L’agriculture
comme instrument de planification urbaine de la ville moderne :
A la manière des musulmans qui ont structuré leur la ville
par rapport à ses ressources naturelles en eau, ses terres fertiles, sa
géologie... tout en profitant des matériaux locaux et des modes de
constructions qui s’intègrent
parfaitement dans le site naturel, la ville moderne doit se structurer par
rapport à ses caractéristiques naturelles.Ainsi, le positionnement de l’élément
vert dans la ville sera un élément catalyseur du développement urbain et c’est
autour duquel que se planifiera toutes les commodités de la vie moderne :
les routes, ponts, habitations, équipements…Une requalification physique de
certains lieux doit être préconisée.
Le schéma directeur d’urbanisme doit adopter une politique
verte qui permettra à l’espace non bâti de prendre en place en ville pour avoir
un rôle économique (la production agricole) ou pour se convertir à un espace
public (un parc, un jardin public…).
La notion
de l’agriculture urbaine et périurbaine :
L’espace agricole tend à céder sa
place à la construction mais malheureusement l’impact de l’étalement urbain sur
les terres agricoles ne se réduit pas aux surfaces consommées par les
constructions et les infrastructures nouvelles, mais il nuit aux terres
cultivées avoisinantes et défigurent
radicalement le paysage existant. C’est pour cette raison qu’on doit
fixer les modalités de participation de l’agriculture à la ville par des
concepts qui sont :
*La bonne
gouvernance et une vision politique en faveur de l’agriculture urbaine :
Le pouvoir de l’état est
incontournable pour mettre en valeur l’agriculture urbaine et rassurer les
agriculteurs de l’efficacité de sa
pratique et de les encourager à en investir.
Ainsi, les logiques de
fonctionnement de l'agriculture doivent orienter le schéma directeur de
l’aménagement (SDA) et participera à son élaboration.
*La bonne
lecture du terrain mis en disposition :
Le premier principe qui caractérise
la ville arabo-islamique est son adaptation à son site : le climat, la topographie…
En outre, La nature du sol et sa
composition sont deux composantes essentielles pour cibler quel genre de
production agricole s’adaptera à cet espace ou s’il s’apprêtera beaucoup mieux
à une autre activité ou nécessitera un traitement spécifique qui doit être
négocié entre les différents acteurs.
*Un plan
d’action urbain durable :
L’adoption d’une méthodologie urbaine qui synthétise les
besoins socio-économique et culturels de la société et qui obéit aux différents
axes du développement durable.
L’urbanisme
vert et l’architecture verte :
L’urbanisme vert est un urbanisme motivé par une volonté
écologiste très forte(Rejeb2011).Le recourt à cette notion permet à
l’aménagement urbain d’offrir un cadre
de vie optimum pour les citadins,
d'assurer aux populations résidentes et futures des conditions
d'habitat, d'emploi, de services et de transports répondant à la diversité de
ses besoins et de ses ressources, de gérer le sol de façon économe, de réduire
les émissions de gaz à effet de serre, de réduire les consommations d'énergie
et d'assurer la protection des milieux naturels et des paysages...
La conséquence immédiate de l’urbanisme vert est l’adoption d’une
architecture verte. L’espace agricole du monde arabo-musulman est un lieu d’architecture verte : dans
un double mouvement. Les formes végétales ont inspiré les formes
architecturales et la décoration des différents monuments (armatures,
voûtes …). L’art des jardinsest une reconstruction de la nature (jeux spatiaux,
perspectives)… L’agriculture sert aussi à éduquer des populations à la morale,
à l’ordre et à l’hygiène.
L’espace
agricole arabo-musulman comme étant un sensorium:
La sensorialité se manifeste à
travers les quatre sens :
-L’Ouïe: Il peut
avoir une origine aquatique (eau fontaines, gargouilles, cascades,…), une
origine éolienne (air, vent, bruissements…), une origine météorologique (pluies, tonnerre…)
une origine animale (oiseaux, insectes, silence).
-Le Goût: Productions et récoltes: légumes, fruits, graines,
racines, baies, feuilles…
-Le Toucher:les matières : veloutées, épineux, rugueux,
lisse, humide, sec, collant, gluant… les densités : aquatiques, minérales,
végétales… textures: croquant gluant farineux…
-La Vue:couleurs, formes matières, lignes
rythmes…
Références
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