mercredi 20 avril 2016

Les opérateurs publics Diagnostics et recommandations Consultant : Mohamed HADDAR Octobre 2014


1.  RESUME ANALYTIQUE
Dès  l’indépendance  de  la  Tunisie,  en  1956,  les  pouvoirs  publics  ont  accordé  au  secteur  de l’habitat un intérêt particulier en créant en 1957  la SNIT (Société Nationale immobilière de Tunisie) qui fût pendant une quinzaine d’années, l’unique promoteur immobilier chargé à la fois  du  foncier,  de  l’aménagement,  de  la  construction  et  du  financement  du  logement. Cependant et en raison de l’accroissement de la demande de logements et en vue de faciliter davantage l’accès des citoyens tunisiens à la propriété de leurs logements, l’Etat a décidé de restructurer  le  secteur  en  1973  et  de  limiter  la  mission  de  cette  institution  à  la  promotion immobilière et de confier les missions d’aménagement des terrains et de financement de la construction  de  logements  respectivement  à  l’Agence Foncière  de  l’Habitat  (AFH)  et  à  la Caisse  Nationale  d’Epargne  Logement  (CNEL)  transformée  par  la  suite  en  une  Banque  de l’Habitat. Quatre  ans plus tard  fut créée la SPROLS (Société de Promotion des  Logements Sociaux)  et  environ  quatre  années  plus  tard,  soit  en  1981  fût  créée  l’ARRU  (Agence  de Réhabilitation et de Rénovation Urbaine).
La SNIT et la SPROLS
Les deux promoteurs publics opèrent dans un environnement concurrentiel. La SNIT (Société Nationale  Immobilière  de  Tunisie)  est  la  première  institution  publique  nationale  chargée d’entreprendre  et  de  financer  des  projets  d’habitat destinés  aux  différentes  couches sociales. Elle était, au départ, à la fois lotisseur, promoteur immobilier et organisme de crédit. En  1974,  l’Etat  a  limité  sa  mission  à  la  promotion  immobilière.  Dans  le  cadre  de  la décentralisation et dès 1979, trois sociétés régionales filiales de la SNIT ont été créées : la SNIT Nord ; la SNIT Centre et la SNIT Sud.
La SPROLS a été chargée de « promouvoir la construction de logements au profit des assurés sociaux ». Dans ce sens, elle a été habilitée à (i)réaliser et gérer les programmes immobiliers de  la  Caisse  Nationale  de  Sécurité  Sociale  (CNSS)  et  de  la  Caisse  d’Assurance  Vieillesse, Invalidité et Survivants (CAVIS) et (ii) louer des  logements aux assurés sociaux. Par ailleurs, la SPROLS est appelé à (i) gérer, moyennant redevance, le patrimoine des caisses sociales et autres organismes ; (ii) réaliser et gérer les programmes immobiliers de la caisse nationale de sécurité  sociale,  de  la  caisse  d’assurance  vieillesse,  invalidité  et  survivants  et  de  la  caisse nationale de retraite et de prévoyance sociale et (iii) louer des logements aux assurés sociaux.


1.  L’offre des deux opérateurs
La  SNIT  a  réalisé  avec  ses  filiales,  depuis  sa  création  jusqu’à  fin  2012,  environ  263  mille (262788)  logements. De  plus,  elle  a  été  chargée  de  projets  spéciaux  pour  le  compte  de l'Etat,  tels  que  le  projet  de  rénovation  du  quartier  Bab-Souika  -  Halfaouine,  la  gestion  des biens  des  étrangers,  la  démolition  des  "oukalas"  et des  logements  rudimentaires  pour  les remplacer par de nouvelles constructions. Par ailleurs, elle a été chargée par l'Etat de gérer les accords  immobiliers  entre  l’Etat  Français  et  l'Etat Tunisien  relatifs  à  environ  huit  mille logements appartenant à des Français. Quant à la SPROLS, elle a réalisé, entre août 1977 et mars 1989, environ dix mille (9 985) logements sociaux locatifs, financés par les caisses de sécurité sociale et géré, les programmes de logement qui lui sont confiés par la CNSS. Durant cette période, la moyenne annuelle de construction de ces logements sociaux locatifs est de 747 unités. Elle a pu offrir un parc locatif à prix abordable et contrecarrer la spéculation frappant le secteur. Elle a aussi  construit  des  locaux  administratifs,  commerciaux  et  d’utilité  publique  (dispensaires,  postes  de  police, écoles, foyers universitaires et autres) dont le nombre avoisine les 300 unités (289). Toutefois, depuis mars 1989 à nos jours, la SPROLS a cessé de construire les logements sociaux locatifs. Entre 2008 et 2013, la société a produit en moyenne annuelle 154 logements et aucun logement social.
2.  La situation financière des deux opérateurs
Sur la période 2008-2013, la SNIT avec une moyenne  annuelle de 375 salariés et un salaire moyen  de  24  mille  dinars,  a  réalisé  un  chiffre  d’affaire  annuel  moyen  de  41,6  MD  et  un résultat  brut  négatif  de  2,8  MD.  Par  ailleurs,  la  société  a  enregistré (i)  une  très  forte fluctuation de son RBE et des charges salariales dans le chiffre d’affaires dans la mesure où elle n’a pas les moyens de lisser ses activités ; (ii) son déficit a atteint le niveau de 6,3 MD en 2011 et 8,1 MD en 2012 et (iii) les charges salariales ont atteint 41% du chiffre d’affaires en 2012.
Sur la même période 2008-2013, la SPROLS avec une moyenne annuelle de 301 salariés et un salaire moyen de 15,3 mille dinars, la SPROLS s’est éloigné de sa principale mission et ne produit plus de logements sociaux. Pire, elle est déficitaire avec une  moyenne annuelle de 1,6 MD. Ses résultats bruts d’exploitation (RBE) sont négatifs et variables. En 2013, grâce à la construction de logements de haut standing aux alentours deCarthage, la  société  a  pu  dégager  des  bénéfices  d’un  montant  égal  à  1,5  MD  et  les  charges  salariales  dans  le  chiffre d’affaires fluctuent entre 18% en 2013 et 48% en 2012%.
3.  Une comparaison avec les promoteurs privés
La  comparaison  de  ces  deux  entreprises  avec  deux  promoteurs  privés :  ESSOUKNA  et  SIMPAR  donne  les résultats suivants : (i) en termes de chiffre d’affaires, les deux promoteurs privés réalisent des résultats meilleurs que la SPROLS qui emploie un effectif 14 fois supérieur à celui d’ESSOUKNA et 12 fois supérieur à celui de SIMPAR. Cette situation pèse lourdement sur les deux entreprises publiques en termes de charges salariales dans le  chiffre  d’affaires ;  (ii)  le  calcul  de  la  productivité du  travail  indique  qu’un  employé  à  ESSOUKNA  ou  à SIMPAR est dix sept fois plus productif que celui de la SPROLS et plus que huit fois plus productif que celui de la SNIT.
L’Agence Foncière d’Habitation (AFH)
Créée  en  1973,  l’Agence  Foncière  d’Habitation (AFH) a  été  chargée  de  produire  des lotissements  aménagés  et  de  contribuer  à  la  création  d'un  environnement  urbain  sain  et harmonieux.
1.  L’offre de l’AFH
L’AFH dispose d’une base de données 321 mille demandes de lots de terrain enregistrées et stockées dans son système informatique. Deux grandes agglomérations urbaines enregistrentles plus fortes demandes de terrain à savoir le Grand Tunis avec 183 mille et le Centre Est avec 46 mille demandes soit respectivement 57 et 14% de l’ensemble. Face à cette demande, l’AFH n’a offert qu’à peine 77 mille terrains (76 794), soit environ une demande sur quatre est satisfaite (24%). Dans le Grand Tunis, le taux  de satisfaction est de 19% seulement, soit Faute de données sur la valeur ajoutée, on admet que le chiffre d’affaire par salarié est une approximation de la productivité.
Le coût du mètre carré aménagé par l’Agence tourne  autour de 35 à 45% des prix pratiqués par les promoteurs privés, avec souvent une qualité meilleure que celle des privés. Toutefois, les délais sont très longs dans la mesure où le cycle de projet dépasse largement les sept ans et plusieurs  demandeurs  finissent  par  abandonner. Ce  cycle  est  appelé  à  s’allonger  surtout  en raison des difficultés rencontrées en matière d’acquisition du foncier et l’éparpillement de la propriété.
2.  Situation financière de l’AFH
Sur la période 2008-2013, la moyenne annuelle de salariés est de 647 avec un salaire annuel moyen  de  24,4  mille  dinars,  un  chiffre  d’affaire  (CA)  de  77,5  MD  et  un  résultat  brutd’exploitation  de  16,7  MD.  Les  salaires  représentent  20,3%  du  CA.  Sur  le  plan  financier, l’AFH enregistre de fortes fluctuations aux niveauxde son chiffre d’affaires, de ses résultats d’exploitation et des lots vendus en raison principalement à la disponibilité du foncier. Seuls les salaires ont augmenté, sur la période 2008-2013, en moyenne annuelle de 4,2%, alors que taux de croissance de la productivité du travail, mesurée par le chiffre d’affaires par salarié, est de (-1,3%) en moyenne annuelle sur la même période. Les salaires par lot de terrain vendu varie entre 12 et 25 mille dinars et s’élèvent à  environ 19 milles dinars en moyenne sur la période 2008-2013, soit environ cinq ans de salaire d’un smigard. Les données indiquent que (i) le RBE est en moyenne annuelle de 16,7 MD. Il est passé de 32,5 MD en 2009 à (-3,3) MD en 2010 et (ii) les charges salariales représentent une moyenne annuelle de 20,3% du chiffre d’affaire de l’entreprise et passe de 16,7% en 2009 à 25,4% en 2011 et à 25,6% en 2012.


L’ARRU
L'ARRU  a  été  chargée  de  l'exécution  de  la  politique de  l'Etat  dans  les  domaines  de  la réhabilitation  et  des  rénovations  urbaines  pour  le  compte  de  l'Etat  et  des  collectivités publiques, principalement les communes. Conformément à la loi de sa création, l’ARRU est tenue d’entreprendre des travaux de nature à améliorer les conditions d’habitabilité dans lesquartiers sous équipés et permettre une meilleure utilisation de certains lots urbains.
1.  Evolution de ses activités
Tout  au  long  de  son  parcours  historique  dans  la  réalisation  des  projets  urbains,  l’ARRU  a développé des modes d’interventions adaptées aux différents types de programmes prenant la forme  de  maîtrise  d’ouvrage  déléguée  (MOD),  d’assistance  technique  et  d’intervention directe. La principale activité de l’ARRU est sous la forme de MOD. L’ARRU peut intervenir aussi  sous  la  forme  de  maîtrise  d’ouvrage  partagée. Dans  le  but  d’améliorer  ses  propres ressources  et  équilibrer  ses  comptes,  l’ARRU  a  réalisé  certains  projets  de  promotion immobilière. Avec une moyenne annuelle de 200 salariés et une masse salariale de 4,4 MD par an sur la période 2008-2013, les programmes et projets de l’ARRU se sont soldés par (i) un montant des investissements des programmes réalisés, en cours de réalisation ou programmés de 1065 millions de dinars (MD) ; (ii) un nombre des quartiers réhabilités, en cours de réhabilitation ou  programmés  est  1227  quartiers ;  (iii)  un  nombre  de  bénéficiaires  de  ces  programmes  et projets est d’environ 3,8 millions d’habitants et (iv) un nombre de logements d’environ 700 mille logements.
2.  La situation financière
La  situation  financière  de  l’ARRU  est  particulière. Ses  marges  brutes,  sont  négatives  et fluctuantes. Sur la période 2008-2013, elle enregistre, en moyenne annuelle, un déficit de 1,2 MD. La non maitrise de ces activités impacte nécessairement tous les indicateurs financiers de l’Agence qui ne pouvait pas fonctionner avec uniquement les commandes de l’Etat. Elle a durecourir à la promotion immobilière et aux subventions pour équilibrer ses comptes et payerses 200 salariés, qui représentent en moyenne annuelle 56% de ses recettes. Sur toute cette période, ses recettes se décomposent comme suit : (i) les rémunérations de l’ARRU pour ses services  à  l’Etat  ne  représentent,  qu’un  peu  plus  du  tiers  de  ses  recettes  (36,7%)  et  (ii)  les subventions  représentent,  en  moyenne  annuelle  17,9% de  ses  recettes  et  (iii)  les  ventes  de logements financent, en moyenne annuelle, plus des 2/5 de ses recettes.
La problématique de l’ensemble des opérateurs publics
Les opérateurs publics ont été créés à des dates etdans des contextes différents (la SNIT en 1957 ; l’AFH en 1973 ; la SPROLS en 1977 et l’ARRU  1981). Ensemble, ces opérateurs ont joué  un  rôle  dans  la  mise  en  œuvre  de  la  politique  de  l’Etat  dans  le  domaine  de  l’Habitat.
Toutefois,  ces  entreprises  n’ont  pas  évolué  en  fonction  des  changements  économiques, sociaux et culturels du pays et leur production estfaible par rapport à la demande.
Leurs situations financières sont difficiles et lescharges salariales sont lourdes. Leurs chiffres d’affaires (CA) et par conséquent, les résultats bruts d’exploitation (RBE) ainsi que la part dessalaires  dans  le  CA  sont  fluctuants.  L’ARRU  justifie  ces  résultats  par  la  non  maitrise  des commandes  de  l’Etat.  Les  trois  autres  opérateurs,  y compris  l’AFH,  avancent  la  rareté  du foncier et par la longueur du cycle de projet, en raison des délais plus ou moins longs dus à une réglementation rigide et contraignante. Leur système de gouvernance est inopérant et impacte à la fois les cycles des projets, leurs activités  et  leurs  résultats  financiers.  La  logique de  tutelle conformément  aux  procédures réglementaires  en  vigueur  a  créé  des  contraintes  lourdes  aux  entreprises dans  de  nombreux domaines tels que la nomination des responsables, le recrutement et les conditions d’emploi, la  passation  de  marchés,  les  décisions  d’investissement,  etc.  Le  contrôle  est  multiple  mais inefficace.  Il  est  principalement  fondé  sur  le  respect  des  textes  juridiques  et  réglementaires que  sur  les  véritables  dysfonctionnements  de  l’entreprise.  Le  rôle  de  l’Etat,  comme actionnaire, soucieux des performances économiques, sociales et financières des entreprises est très faible pour ne pas dire inexistant.
2.  RECOMMANDATIONS
a)  Ensemble des opérateurs
On  part  de  l’hypothèse  que  la  demande  pour  les  logements  sociaux  et  économiques  et  très forte et que ce type de logements devient de moins  en mois rentable pour trois raisons : i) la rareté du foncier, ii) la forte hausse des prix des matériaux de construction et iii) la pénurie de main  d’œuvre  dans  le  secteur.  Sur  cette  base,  l’Etat  doit  jouer  son  rôle  de  régulateur  pour ajuster l’offre à la demande de logement social et  de logements à prix modéré. Dans ce sens, il a besoin d’outils performants pour concrétiser sa politique dans ce sens. A ce niveau et pour tous les opérateurs, quatre orientations, qui dans  un certain sens se recoupent, peuvent être avancées :
1.  Redéfinir les missions et revoir la stratégie des quatre opérateurs ;
2.  Redéfinir le rôle de l’Etat : d’une fonction de tutelle à une fonction d’Etat actionnaire ;
3.  Aller vers la logique de responsabilisation du Conseil d’Administration ;
4.  Alléger fortement le cadre réglementaire ;
Toutes  ces  orientations  doivent  être  nécessairement accompagnées  par  une  restructuration sociale  au  sein  de  l’entreprise.  Les  quatre  opérateurs  ne  peuvent,  sous  n’importe  quel argument économique et social, supporter la charge salariale actuelle couplée d’une très faible productivité. A titre d’exemple, le nombre de salariés en 2013 à la SNIT est de 301, alors que les  opérateurs  privés  tels  que  SIMPAR  ou  ESSOUKNA,  plus  performants  financièrement, n’emploient qu’une vingtaine de personnes par entreprise. Cette charge constitue la principale contrainte  à  la  restructuration  des  opérateurs  publics.  Tout  scénario  doit  solutionner  cette question.

b)  La SNIT et la SPROLS
La SNIT est déficitaire et ne construit pas suffisamment de logements. De son côté, la SPROLS, en cherchant à équilibrer ses comptes, s’est éloignée de sa principale mission qui consiste à construire des logements sociaux locatifs, en optant pour les logements standing. Même avec ces orientations, les deux entreprises publiques ne sont pas compétitives et cette situation ne peut plus durer sans subventions de l’Etat. Les 564 salariés en 2013  (301  à  la  SNIT  et  263  à  la  SPROLS),  alors  que  ESSOUKNA  et  SIMPAR  n’emploient  ensemble  que  45 personnes  (une  vingtaine  par  entreprise),  constituent  la  principale  contrainte  à  leur  restructuration. Deux solutions sont possibles : accroitre considérablement le chiffre d’affaire dans le logement social et  le logement économique  et/ou  réduire  considérablement  le  nombre de  salariés.  Cela  étant,  trois  scénarii,  à  débattre  et  à approfondir, sont possibles :
1.  Assigner à la SPROLS sa première vocation à savoir les logements sociaux locatifs et la SNIT la mission de construire des logements sociaux et économiques sur la base de contrats-objectifs bien définis.
2.  Fusionner les deux opérateurs en une  seule entreprise avec trois directions centrales : logements sociaux, logements économiques et biens étrangers.
3.  Les responsables de la SNIT soutiennent que l’activité "Bien étrangers" occupe environ une cinquantaine de salariés.  Toutefois,  rien  de  concret  n’apparaît  et  aucune  avancée  sur  la  question  n’est  enregistrée.
L’entreprise  n’a pas jusqu’à  ce jour un recensement de ces biens. Dans ces conditions, il est possible de créer une structure "Ad hoc" dans la durée est limitée et la mission est précisée pour "liquider rapidement cette affaire" qui a trop duré.
c)  L’AFH
Le  système  de  l’Agence  d’attribution  des  terrains  aux  Tunisiens  pour  construire  leurs logements exclue les couches défavorisées et même une bonne partie des salariés. Le taux de satisfaction de ses clients est faible (24%). Sa situation financière potentielle n’est pas aisée. En  2010,  l’entreprise  a  enregistré  un  déficit  de  3,3  MD.  Dans  ce  contexte,  l’AFH  peut s’orienter dans trois directions :
a)  Un besoin de redéfinition de la politique de l’entreprise en matière de lotissements
Face à un problème de raréfaction du foncier, l’Agence doit redéfinir sa politique dans quatre directions :
• Constituer une importante réserve foncière en corrélation avec les orientations des plans et  schémas  directeurs  d’urbanisme  et  d’Aménagement  du  Territoire,  pour  devancer l’extension urbaine et réduire les couts d’aménagements ;
• Créer des pôles urbains intégrés prenant en compte l’évolution future des villes selon une
approche prospective avec une utilisation optimale  des terrains aménagés, en intégrant, par un système de péréquation de prix, toutes les couches sociales par une offre, pour les catégories exclues du système actuel, d’un produit adapté à leurs moyens ;
•  Donner la priorité à l’Habitat collectif à forte densité et en renforçant son intervention au niveau des zones à forte pression urbaine ;
•   Intervenir aux niveaux des régions intérieures pour attirer les populations locales et les inciter à participer à leurs développements.
b)  Un besoin de redéfinition de la politique de l’entreprise en matière de prix Les  prix  des  terrains  aménagés  vendus  par  l’Agence  aux  particuliers,  aux  promoteurs immobiliers,  à  ’Etat  et  aux  collectivités  publiques  et  aux  différents  investisseurs  sont,  à quelques exceptions près, au cout de revient. Cette politique a favorisé les plus aisés. Les  promoteurs  immobiliers  et  investisseurs  doivent acquérir  le  terrain  au  prix  du  marché dans  la  mesure  où  ils  l’intègrent  dans  le  calcul  de la  rentabilité  de  leurs  projets.  Le  même calcul doit s’appliquer sur les terrains destinés aux particuliers qui dépassent une superficie donnée et qui sont relativement aisés. Ainsi, l’Agence peut consacrer des terrains aux couches défavorisées à un prix même inférieur au cout de revient. Cette péréquation doit être un axe stratégique de la politique de l’entreprise dans le futur.
c)  Ouvrir  de  nouveaux  horizons  dans  le  domaine  de  l’habitat dans  au  moins  trois directions :
•  La multiplication des opérations dans les régions intérieures,
•  L’aménagement et la viabilisation de terrains à grande échelle
•  La création de villes nouvelles,
d)  L’ARRU
Le  positionnement  stratégique  de  l’ARRU  correspond, aujourd’hui,  à  une  phase  charnière entre une politique où l’Etat était acteur principal du développement urbain et une nouvelle orientation, consacrée dans la nouvelle Constitution, de décentralisation. Pour ce faire il y’a lieu de réajuster les missions de l’ARRU en tant que développeur urbain public par:
1.  Un appui aux communes pour mettre en place le plan de développement urbain ;
2.  Une assistance aux communes à réaliser leurs projets urbains intégrés ;
3.  Un développement des opérations de rénovations des centres anciens ;
4.  Un développement des projets de gestion urbaine de proximité.
Certes, les programmes de l’Agence ont permis l’amélioration des conditions de vie de plus de trois millions d’habitants au niveau de l’hygiène, de la sécurité, de l’accessibilité et de la
circulation.  Toutefois,  ces  actions  de  rattrapage  s’avèrent  insuffisantes  pour  freiner  le phénomène de l’étalement urbain qui se poursuit malgré tous les efforts. Dans ce cadre, il est important  de  débattre  les  causes  réelles  de  cet  étalement  urbain  et  de  revoir  la  logique  de rattrapage  sur  laquelle  repose  la  réhabilitation  urbaine  qui  s’avère  très  coûteuse  et  qui  peut être interprétée comme une caution du phénomène d’extension anarchique en l’absence d’une politique de prévention.

Pour  faire  face  à  ce  phénomène,  qui  pose  de  nouveaux  défis  aux  pouvoirs  publics,  une nouvelle  politique  de  la  ville  est  à  inventer.  Cette  politique  devrait  permettre  de  conjuguer droit à la ville pour tous, qualité de vie et préservation de l’environnement.

vendredi 8 avril 2016

L’espace public comme enjeu du projet urbain . Tunis, Grands projets et débats en cours sur la ville.


Leila Ammar , architecte , docteur en architecture, enseignant-chercheur à l’Ecole Nationale d’Architecture et d’Urbanisme de Tunis . Mars 2008. Tunis , développement urbain et grands projets : Tunis est en pleine transformation et vit actuellement de multiples transitions socio-économiques . Une stratégie de développement de la ville dont l’objectif est de mettre en place des choix et des actions prioritaires pour promouvoir durablement le développement de Tunis « plaque tournante régionale et centre d’investissement » est en cours . Faire de Tunis « une capitale régionale et garantir à ses citoyens un droit équitable aux espaces , richesses et services « constituent les objectifs principaux et peut être contradictoires de cette stratégie pour le futur proche de la capitale . Le développement urbain de la ville de Tunis a connu cette dernière décennie une nouvelle accélération . La ville croit à sa périphérie par morceaux discontinus spontanés ou réglementés , qualifiés souvent de chaotiques et d’anarchiques induisant un surcoût de viabilisation , de transport et de fonctionnement urbain . La région urbaine de Tunis couvre 300.000 hectares tandis que l’agglomération couvre à peine 1/10 de la surface du Grand Tunis soit 30.000 hectares . Chaque année 500 hectares sont urbanisés et consommés . La ville s’étale avec une très faible densité de 90 habitants à l’hectare . Croissance périphérique qui appelle la restauration et la densification des fronts d’urbanisation principaux mais aussi renouvellement rapide des tissus autour et dans les centres anciens au fur et à mesure des opération de restructuration et de rénovation urbaine , telle l’opération de réaménagement prévue pour le quartier central de la Petite Sicile . Développements récents et dynamique de l’urbanisation ont également conduit au recentrage de l’agglomération autour du Lac de Tunis et des Lacs de l’Ariana et de Séjoumi . L’ouverture à l’urbanisation de larges espaces autour des lacs de Tunis constitue une occasion unique pour l’extension des quartiers centraux autour des berges du Lac nord et sud réaménagées pour accueillir à terme de véritables villes nouvelles dans le cadre de grands projets urbains . A cela s’ajoute l’urbanisation des zones agricoles et naturelles de la côte nord avec les opération de Aïn Zaghouan et Sidi Daoud menées par l’Agence Foncière d’Habitation . Tandis que la centralité de l’agglomération se fragmente et glisse vers le nord de la ville et à l’est du Lac Nord , l’expansion du centre se poursuit vers le nord le long de l’avenue Mohammed V , dans le quartier de Montplaisir , et plus au nord vers les quartiers d’ El Menzah et d’ El Manar . L’expansion / valorisation du Centre-ville le long de l’axe majeur historique Qasbah-Médina-Avenue Habib Bourguiba et autour du port et des lacs constitue elle une opportunité unique de recomposition d’une centralité forte . Les débats suscités par les grands projets d’aménagement en cours ou déjà réalisés témoignent d’ une prise de conscience de la nécessité d’une vision d’ensemble fruit d’un consensus entre les différents aménageurs , municipalités , ministères , opérateurs publics et privés, techniciens et concepteurs et représentants de la société civile . Nous avons choisi d’interroger certains grands projets en cours ou réalisés à Tunis durant les dernières décennies , au regard des démarches mises en place , de la forme urbaine et du fonctionnement urbain et tout particulièrement au regard de l’espace public comme expression de visions stratégiques et lieu du difficile dialogue entre les différents acteurs . Comment est produit ce nouvel espace à urbaniser ? Peut-on parler de projets urbains au sens de vision globale articulant les échelles, intégrant les divers niveaux et fédérant les acteurs ? Un jeu s’établit-il entre morphologie locale et morphologie majeure ? Contrôle-ton le détail des bâtiments en même tant que le plan général ? Et quelle est la place de l’espace public comme ordonnateur du bâti et base fondamentale du projet urbain ? Enfin comment est géré le vide urbain à l’échelle de l’aménagement global et des différents projets de détail ? Les points de vue sur la pensée technique de l’urbain , sur la ville et sur la citoyenneté sont ici convoqués . Nous proposons une investigation de la culture urbanistique Tunisienne à travers quelques grands projets représentatifs contemporains . Si la ville du XXI°siècle ne peut plus se satisfaire des solutions et d’une image stéréotypée de celle du XIX° siècle , à Tunis comme ailleurs , le statut urbain des voies et des infrastructures techniques à intégrer demeure une des questions cruciales posée au projet urbain et à celle de l’élaboration de ses outils . L’espace public comme enjeu du projet urbain , référence pour l’organisation du privé , accumulation d’expériences et d’usages sera considéré à travers des exemples récents de fragments urbains en projet ou réalisés à Tunis . La cohésion des nouveaux ensembles urbains produits ou au contraire l’ absence d’évidence des urbanisations récentes passe par l’attention portée à l’espace public dont le tracé se confond avec le plan de la ville . Ainsi il nous semble crucial que les projets urbains qui s’inscrivent dans des durées d’une dizaine d’années ou un peu plus entretiennent un rapport avec la morphologie de la ville et son système d’espaces publics mais aussi que s’engage autour d’eux discussion et consensus pour passer à la réalisation . Aussi on ne saurait répondre au chaos urbain de la circulation de transit sans connecter les autoroutes et les voies express avec le système du maillage et des boulevards urbains . De même qu’on ne saurait ignorer la discussion avec les ingénieurs de la circulation quand il s’agit de recoudre pièces et fragments urbains et de réaliser des opérations indispensables de connexion viaire . Débattre de la nouvelle nature de la ville , déterminer l’échelle et la forme des grandes opérations , établir ou rétablir des continuités en créant des points de connexion et de franchissement implique de hiérarchiser et de concrétiser les priorités en articulant les échelles et les fonctions . La réflexion sur l’espace public peut permettre de conjuguer solutions techniques et propositions d’aménagement et de programmation dans une stratégie unique qui se décline en opérations coordonnées dans l’espace et le temps . Certes cela requiert l’intervention de la dimension politique porteuse du projet de valorisation du territoire capable d’associer et de légitimer les discussions entre élus, architectes, ingénieurs , urbanistes et d’assurer des allers-retours entre collectivités publiques , citoyens et acteurs privés . Projet urbain et espace public : Le projet urbain apparaît depuis une vingtaine d’années dans la culture urbanistique contemporaine comme une démarche novatrice nécessitant une volonté politique qui le demande et le porte . Celle-ci a pour but d’explorer le champ des possibles et de faire réagir à des images nouvelles . A travers le lancement de consultations urbaines et la mobilisation des concepteurs , le projet urbain permet de tester la capacité des sites d’intervention a accueillir diverses exigences spatiales , fonctionnelles ou programmatiques . Il a pour objectifs de répondre aux dysfonctionnements urbains mais aussi de projeter l’avenir et de révéler la force imaginative des projets susceptibles d’enrichir l’identité et l’image urbaine de la ville . Ainsi le projet urbain apparaît-il comme un nouvel art de penser la ville et d’en débattre en insistant sur les questions d’une dynamique nouvelle à amorcer dans des conditions réalistes et à conduire dans la durée . Le projet urbain met l’accent sur la conception spatiale de la ville et le dessin urbain sans oublier d’intégrer d’autres approches techniques ou de développement économique et social . Ainsi il est autant urbain qu’économique et politique . Il diffère de celui de l’ingénieur ou de l’architecte car il intègre une somme d’incertitudes et d’inconnues . Plus qu’une image immobile de la ville , c’est d’un mouvement permanent entre les échelles de conception et de la nécessité du lien entre infrastructures , urbanisme et architecture qu’il tire sa légitimité et sa complexité . Le travail à l’échelle du projet urbain consiste à initier un processus de transformation de l’espace avec des principes clairs . L’un des moyens de dépasser les approches sectorielles et le traitement autonome de chaque objet urbain (infrastructures, voirie, quartiers, …) en agissant sur l’ensemble des rapports qui lient les éléments du projet est d’établir une stratégie de développement basée sur une armature urbaine des espaces publics . Si la qualité de la ville passe par une vraie continuité et une volonté commune , les formes de l’espace public apparaissent comme un outil majeur du projet urbain et un enjeu décisif quand il s’agit comme souvent aujourd’hui de rendre possible la coexistence entre différentes formes de tissus et différents types de bâtiments . Structurer le développement urbain en continuité avec le tissu existant, coudre ou recoudre les différents fragments urbains, mettre en scène la ville dans son rapport au paysage implique de penser l’espace public , l’espace du public comme un système formant la base stable du projet urbain et capable d’évolution . L’espace public , indissociable du bâti qui le borde appelle la mise en place de règles minimales et de relations nouvelles pour répondre à l’éclatement des agglomérations et à la nécessité de penser statut et formes des nouveaux espaces publics apparus . Enfin l’espace public apparaît comme un élément positif du projet urbain qui reste encore marqué par des compétences professionnelles et des logiques parfois contradictoires dispersées et parcellisées qu’il est nécessaire d’intégrer et de coordonner . En Tunisie le terme projet urbain possède une définition particulière . Il recouvre le contenu de grands projets de développement économique et de réalisations d’infrastructures soutenus par les organismes financiers internationaux tels les projets urbains dont on bénéficié certains quartiers d’habitat spontané dans le cadre de programmes de réhabilitation .Cependant est apparu récemment dans les études et la littérature urbanistique un autre sens du mot projet urbain plus proche de la définition d’une démarche globale qui prend en compte le futur des quartiers et de la ville dans leurs dimensions sociales, politiques, morphologiques et urbaines .Mais on parlera aussi de Projet d’Urbanisme ou de Projet d’Aménagement et nombre d’études insisteront sur la nécessité d’une vision d’ensemble et d’une volonté politique . Quant à la catégorie d’espaces publics , elle n’existe pas officiellement dans la grille de définition des services techniques concernés par la programmation . On parlera plutôt d’équipements et d’espaces verts ainsi que de voirie et d’infrastructure . Celles-ci étant encore envisagées plutôt sous l’angle de la circulation , des flux et de l’efficacité fonctionnelle sans que soit prise en compte leur nécessaire intégration à l’espace urbain .Elles sont définies en amont par des Schémas directeurs d’infrastructure , évaluées en coût/performance et soumises à la décision d’un opérateur unique . Une nouvelle dimension appelée esthétique urbaine et embellissement apparaît également aujourd’hui dans les discours et les pratiques sur la ville .Ce sont les projets d’embellissement portés par la Municipalité et les directions techniques de l’Equipement , de la Voirie et de la Circulation qui sont censés régler en partie la question de la définition spatiale , du tracé des espaces publics et celle du paysage urbain des voies . Tunis commune-capitale , les éléments du débat sur la ville : L’agglomération Tunis connaît de profondes modifications de la structure de son espace urbain dans la commune même de Tunis et la Côte Nord et autour de deux pôles , le Lac de Tunis et les quartiers opposés ouest et sud de Sidi Hassine, El Hrairia, El Ouardia et El Kabaria . La commune de Tunis est celle qui possède et consomme le plus de terrains urbanisables avec un développement rapide de l’habitat de standing et du tertiaire autour des berges du lac et de l’habitat populaire au sud et à l’ouest de la commune . Les développements récents et la dynamique de l’urbanisation ont mis en évidence la question du recentrage de l’agglomération autour de l’hypercentre et des Lacs Nord et Sud avec comme conséquence à terme la constitution d’une même zone d’urbanisation continue de près de 20 kilomètres depuis la Médina jusqu’aux berges du Lac Nord .Cette perspective pose le problème du devenir de la centralité de la commune et celle de la définition d’un projet urbain d’ensemble pour le centre-ville et le Port . De même se pose la question du développement harmonieux des autres espaces de centralité de la ville qui devraient être conjugués avec le Projet de Centre pour Tunis dont on attend qu’il assure cohérence , cohésion, fonctionnalité et attractivité . Tunis devrait selon les perspectives officielles dans les années à venir, développer les potentialités existantes pour se construire dans une identité de métropole méditerranéenne ouverte sur le monde et l’avenir . Au débat sur la centralité et sur les moyens de transformer le visage de la capitale à partir de la valorisation /restructuration de l’ensemble Médina/hypercentre/lac s’ajoute la question de l’accessibilité en transport en commun dans la commune de Tunis envisagée pour le Centre à partir d’un nouveau Plan de Circulation et de grands projets en cours de réalisation (Projet de Tunis sud et pôle multimodal ) . A l’éclatement des fonctions centrales et à la déqualification des espaces de l’hypercentre actuel a répondu à partir des années 1970 la mise en place d’un processus d’ouverture du centre ville sur le lac assaini et aménagé . Le Lac Nord restauré à la fin des années 1980 et ses berges aménagées à travers des Plans d’Aménagement Urbain (P.A.U) ont pu opérer un recentrage des activités tertiaires et ludiques autour du plan d’eau . A terme le projet couvrira 1000 hectares pour 350.000 habitants à l’horizon 2007 . Avec le projet en cours de restauration des berges du Lac Sud étroitement lié à la refonctionalisation du port et du quartier adjacent central de la Petite Sicile (projet inscrit sur une échéance de 20 ans) c’est la question de la valorisation de l’image urbaine de Tunis qui est débattue . L’opération du Lac Sud , de loin la plus importante et la plus prestigieuse porte aussi le débat sur la liaison et l’articulation de son programme ambitieux avec d’autres opérations d’aménagement parallèles en cours et appelle planification , négociation et concertation entre les différents acteurs . L’avenir de la centralité , le rôle des grands projets autour du lac , les différents programmes d’aménagement dans la zone centrale de Tunis ne sauraient occulter l’importance du débat sur l’aménagement et la réhabilitation des quartiers populaires et péri-urbains de Tunis . Equipement , embellissement et amélioration de l’habitat sont à l’ordre du jour des programmes municipaux . Ainsi la zone de la Sebkha de Séjoumi au sud de la capitale fait-elle l’objet d’un grand projet « Cité durable Séjoumi » qui couvre une surface de 7500 hectares (dont 3000 hectares de plan d’eau) porté par la municipalité de Tunis et les acteurs publics des différents ministères avec une volonté de concertation et de gestion des conflits . Le dynamisme de l’habitat spontané , les phénomènes de marginalisation sociale que ces quartiers connaissent , l’insuffisance des réseaux d’assainissement et de transport s’ils rendent difficiles l’intervention des acteurs locaux inscrivent délibérément le débat autour de la requalification des services , des logements et des espaces libres . L’éradication des sources de pollution et l’amélioration de la capacité de gestion sociale et économique de ces quartiers excentrés et enclavés appelés à un très fort développement dans les années à venir, font aussi partie des objectifs majeurs . Ainsi l’essentiel du débat sur la ville porte sur le devenir de la centralité et les relations centre-périphérie , la construction d’une image contemporaine ouverte et attractive, le rôle majeur des nouveaux grands projets et la restructuration/intégration des quartiers populaires et péri-urbains spontanés à la ville . Les études récentes insistent toutes sur la nécessité de maîtriser et d’harmoniser le développement urbain de la commune-capitale comme sur la nécessité d’une vision globale , cohérente garante de la réussite des différentes opérations de détail . Elles soulignent le rôle prépondérant d’une maîtrise d’ouvrage unifiée et efficace et appellent à des réflexions prospectives collectives sur la concertation et la négociation entre les différents acteurs des projets urbains. Or nombre de professionnels de l’espace insistent sur les difficultés à mettre en place de véritables projets urbains compte tenu de l’éparpillement de la maîtrise d’ouvrage, de la lourdeur des procédures administratives d’approbation des Plans d’Aménagement Urbains , du manque de dialogue et de concertation entre les différents acteurs et directions, de l’absence d’une reconnaissance d’une autorité morale dans les domaines de l’architecture et de l’urbanisme . On ne produit pas selon eux du projet urbain mais de l’espace à urbaniser , au mieux de bons lotissements dont l’articulation les uns aux autres n’est pas forcément réalisée et pensée à travers la définition d’un statut clair des espaces publics .Le projet urbain est une approche qui devrait produire grâce à une volonté claire , réseau d’espaces publics et construction du tissu urbain avec un maillage des rues , de la voirie , et une définition du découpage des lots à construire tout en permettant de contrôler le projet d’ensemble et le détail des bâtiments . En Tunisie cela n’est pas encore le cas car des obstacles s’y opposent .Certes des visions d’ensemble et des études préalables aux grands projets sont entreprises mais après approbation elles restent souvent sans suite comme c’est le cas pour les études d’impact .D’autre part les autorités administratives ne jugent que sur le plan réglementaire et pas sur le plan morphologique urbain . Ainsi , le pilotage des opérations d’aménagement et d’architecture vers la qualité urbaine a du mal à prendre corps, comme a du mal à se faire un chemin l’idée de responsabiliser et de faire confiance à l’autorité et à la responsabilité des professionnels de l’espace en reconnaissant leur compétence dans la conduite du projet . Cette compétence qui s’appuie sur un savoir sur l’espace dans ses diverses dimensions est souvent contestée par les autorités des différentes directions des projets urbains . Face à ce type de constats contradictoires entre l’appréhension des faits et les volontés officielles ou programmatiques nous proposons d’étudier à travers trois grands projets urbains à Tunis, les cultures en présence quant aux représentations et au rôle des espaces publics dans le projet urbain en insistant sur le rôle des concepteurs des formes , sur les différentes échelles de conception et sur les relations entre les différents acteurs . Nous prenons comme exemple trois grands projets d’échelle différente qui tous concernent l’urbain et le morphologique . Le premier est le projet d’embellissement et de réaménagement de l’axe historique de l’avenue Habib Bourguiba qui porte sur 1,5 km de promenade urbaine . Le second est le projet de restructuration et de réaménagement du quartier central de la Petite Sicile à Tunis sur un territoire de 80 hectares . Le troisième concerne la deuxième tranche de l’aménagement des berges du Lac Nord en continuité avec le centre sur 700 hectares qui doivent être ouverts à l’urbanisation . Le premier projet s’inscrit dans le projet urbain de valorisation de l’axe ouest-est qui mène de la Qasbah au port de Tunis . Les deux autres projets sont plus particulièrement ce qu’on peut appeler des grands projets à l’échelle de la ville et du territoire de l’agglomération . Le projet d’embellissement de l’hypercentre : de l’ avenue de France à l’avenue Habib Bourguiba 1999- 2004 : Le projet d’embellissement de l’axe majeur de la capitale compris entre la place de la Victoire et l’extrémité est de l’avenue Habib Bourguiba, est aujourd’hui en partie réalisé . Remettre en valeur l’espace public , revaloriser le bâti du tissu de la ville moderne née au début du siècle dernier , retrouver des activités d’animation au centre-ville en sont les objectifs principaux . Rares sont les promenades urbaines qui peuvent prétendre à un prestige à la hauteur de celui de l’avenue principale de la capitale qui s’élance depuis la porte de la mer (Bab Bhar) en direction du lac sur 1,5 km de long et 60 m d’emprise . Le projet de réactualiser le grand axe historique fondateur du Tunis moderne , dans sa forme même est né de l’inadéquation entre l’image de marque de l’Avenue et sa réalité , devenue flagrante dans le vieillissement des immeubles de rive , l’obstruction de l’espace par le stationnement, la surcharge de mobilier urbain et de kiosques disparates , la signalétique lumineuse hétéroclite et trop importante banalisant la perspective . Ainsi est né il y a deux ans , au terme d’études du site et de son évolution , un projet de prestige , soutenu par le Chef de l’Etat, mené et porté par la Ville de Tunis , le Ministère de l’Intérieur, l’Association de Sauvegarde de la Médina et le bureau d’études et d’ingénierie SCET . La définition du projet : Les objectifs du projet d’embellissement de l’axe avenue de France / avenue Habib Bourguiba insistent sur les qualités de cet « ensemble urbain de grand intérêt architectural appelant un projet de mise en valeur garantissant une image forte de l’espace public et lui assurant convivialité et attractivité « . Il porte sur le réaménagement de la chaussée et des trottoirs , la modification du mail central piéton , la réorganisation des activités urbaines , la réhabilitation des façades d’immeubles . Auxquels s’ajoutent les objectifs d’harmonisation des domaines piétons et automobiles , la réorganisation du stationnement et la création de parkings souterrains et à étages sous l’avenue de France comme dans les rues adjacentes du centre-ville . Economiquement et socialement , à travers cette ambitieuse remise en valeur de l’espace public , le projet global souhaite « dépopulariser » l’espace urbain en retrouvant une fréquentation digne de son prestige et de sa renommée . Les propositions : Sans aucune consultation nationale ni internationale , le projet d’aménagement de l’axe majeur , creuset de la vie citadine tunisoise s’élabore en concertation avec la Municipalité de Tunis et les bureaux d’études maîtres d’œuvre, l’Association de sauvegarde de la Médina et la SCET . Une première grande proposition se dessine qui bouleverse radicalement l’espace et les pratiques et installe la circulation automobile au centre de l’axe là où les promeneurs marchaient . La perspective est dédoublée sur des trottoirs élargis à 18 m et une file de plantations d’alignement existantes « transplantée et déplacée » . A cette intervention décisive qui porte d’abord sur la section prise entre la place de l’Indépendance et celle du 7 novembre s’associent les autres composantes du projet : réaménagement des places de la Victoire, de l’Indépendance , du 7 novembre, élaboration d’un cahier des charges architectural pour les façades d’immeubles , harmonisation du mobilier urbain , renouvellement des réseaux divers et de l’éclairage public , réfection des sols . Alors que les premières images et perspectives de cette proposition sont publiées et affichées en ville , les réactions , discussions et critiques de professionnels ou de citadins s’élèvent , la réélection du Conseil Municipal et le débat conduiront à l’annulation de cette première proposition et à la présentation d’un autre projet . Car l’image de cet axe , sa charge symbolique, ses pratiques urbaines citadines et son caractère évident de promenade sont fortes et la première proposition contestable dans sa volonté de résoudre la question de la circulation sur cet axe par une intervention lourde et chirurgicale . Le second projet d’embellissement s’élabore en août 2000, les variations et les compromis portent essentiellement sur l’espace public et la répartition chaussée, trottoirs, terre-plein central , plantations , qui cristallisent les désirs et les inquiétudes et structurent la réalité historique du tracé . Le second projet prévoit le maintien du terre-plein central rétréci qui passe de 30 m à 16 m , avec transplantation de 2 rangées de ficus qui sont supprimées .Les trottoirs en revanche sont élargis et passent de 6 m à 12 m de large . La chaussée comporte 3 files de circulation automobile avec interdiction de stationnement . Les autres composants du projet dans cette deuxième version sont identiques à ceux de la première : rénovation et réhabilitation des façades riveraines , nouveau dallage et traitement du sol, harmonisation du mobilier urbain Avec installation de 400 lampadaires et 20 colonnes Morris, suppression des kiosques gênants et déplacement des fleuristes à la garde du TGM , réglementation d’hygiène et d’esthétique pour les commerces et les terrasses de café , création de parkings . Les plantations , le mobilier urbain , le sol : La volonté de donner à la promenade un caractère plus aéré et plus fluide a conduit à réduire la largeur du mail central planté initialement de 4 rangées de ficus . Historiquement l’ancienne Promenade de la Marine a été conçue comme une percée visuelle depuis la Médina vers le lac structurée par un épais trait de verdure, 4 rangées de ficus . La deuxième ligne d’arbres sera plantée elle aussi de ficus jeunes , privilégiant l’homogénéité des plantations d’alignement bien que la configuration originelle ait été abandonnée . L’ancien mobilier urbain en surnombre et disparate qui troublait la perception des avenues a été remplacé par un mobilier rationalisé dans ses formes et ses dispositions . Des lampadaires de style 1900 identiques à ceux qui se trouvent sur le trottoir du Théâtre Municipal ont été choisis et placés en file sur le trottoirs et entre les arbres pour éclairer la promenade et en accentuer la solennité . Deux types d’éclairage structurent la composition , l’un de grande dimension qui éclaire chaussée et trottoirs, l’autre de petite dimension à un feu qui souligne la perspective des trottoirs et éclaire le dessous des arbres .On peut et on a du hésiter sur le choix de ces candélabres datés qui forment aujourd’hui un cordon lumineux la nuit . L’éclairage des façades riveraines et des devantures reste néanmoins en attente d’un projet de définition globale . Les corbeilles , bancs , panneaux d’affichage , abri-bus ont été aussi renouvelés . On peut se demander si à l’occasion de ce grand projet une nouvelle ligne de mobilier homogène n’aurait pas contribué à marquer le renouvellement de l’image de la promenade en associant diverses compétences en matière de design urbain . A l’exception des kiosques de fleuristes déplacés vers la gare du TGM , tous les kiosques à journaux , tabac et clés minute qui encombraient l’allée centrale ont disparu . Quelques marchands de tabac et de journaux ont été intégrés aux édifices ou relégués à l’entrée des perpendiculaires à l’avenue . Ainsi dégagée, nettoyée et aérée la promenade centrale accueille de trop rares bancs publics (30 au total sur l’avenue Habib Bourguiba) et des colonnes Morris rénovées , les nouvelles étant prévues en fonte-alu éclairées et ouvrables . La réfection du sol des deux avenues représente 48.000 m2 .Le pavé de granit gris de 15cm x 15cm et 15cm x 30 cm de 4cm d’épaisseur , élu par les choix techniques et esthétiques municipaux s’adapte à l’emplacement des arbres existants et alterne des bandes de granit lustré de 30 cm de large . Le calepinage du sol réinterprète en les adaptant les principes de la première proposition initialement prévue pour des trottoirs de 18 m de large . Sur les trottoirs une ligne incluse dans le sol matérialise l’emplacement des terrasses de cafés . Fils d’eau et caniveaux sont aménagés dans le sens longitudinal , ponctués d’une grille tous les 25 m . La revalorisation du bâti : Les différentes réhabilitations de façades d’immeubles qui ont été entreprises viennent compléter le traitement de l’espace public en orientant l’action des riverains sur des points d’intervention importants : terrasses, publicité, enseignes, devantures , sauvegarde d’immeubles . Souvent l’intervention sur le bâti , à l’exception de la rénovation des rez-de-chaussée s’est limitée à la réhabilitation des façades faute de financements adéquats et d’une mise en œuvre plus complexe qui aurait pu prendre en charge l’ensemble des aspects sociaux et architecturaux de cette réhabilitation . L’ »Avenue » a fait en somme peau neuve et l’on attend beaucoup de cette ambitieuse intervention qui prend forme dans des réalisations d’envergure tel le réaménagement de la place du 7 novembre et dont la plus discutable et critiquable aux plans techniques et esthétiques est la rénovation de l’hôtel Africa . Aujourd’hui plusieurs terrasses de cafés soigneusement limitées dans leur extension contribuent à l’agrément de la promenade . Les prix ont augmenté et la clientèle a changé mais la fréquentation de l’espace public a retrouvé son dynamisme . Dans l’ensemble les interventions de l’Association de Sauvegarde de la Médina sur le bâti diversifié des deux axes composé d’éléments intéressants mais aussi d’architectures plus ordinaires ont montré le souci d’une composition et de matériaux homogènes représentatifs d’une typologie de l’ »Avenue » et respectueux de l’architecture des immeubles . La qualité architecturale des nouvelles constructions : Le retraitement ambitieux de l’espace public de l’axe avenue de France /avenue Habib Bourguiba n’a pas manqué de retombées foncières et immobilières .Certains immeubles de rive sont en ballottage dans une situation d’attente ambiguë , d’autres jugés sans doute vétustes ou non représentatifs démolis . Les nouveaux édifices qui sont appelés à rendre à l’avenue une partie de son attrait devraient permettre de retisser à partir d’éléments architecturaux intéressants et significatifs un paysage urbain cohérent qui distingue cet ensemble d’autres quartiers de prestige périphériques de la capitale .Aussi les principes de continuité de façade , de gabarit sur voie publique , de traitement des angles , de rapport plein-vide devraient-ils faire l’objet de prescriptions architecturales applicables à l’occasion des demandes de permis de construire qu’instruit la Municipalité de Tunis . De même on peut s’étonner que ces nouveaux immeubles ne fassent pas systématiquement l’objet d’une consultation et de concours, nationaux au moins, auprès des maîtres d’œuvre .Freiner le processus de dégradation de l’avenue et sa banalisation passe autant par la protection de ses monuments et la réhabilitation du site que par des règles architecturales sur le bâti à venir . Les premières retombées : Le projet d’embellissement de l’hypercentre de Tunis est aujourd’hui engagé et réalisé depuis la place de la Victoire jusqu’à la gare du TGM . Les plantations, les travaux de revêtement du sol ,les façades rénovées et l’illumination la nuit donnent déjà dans la section qui va du monument à Ibn Khaldoun à la place du 7 novembre , une première image de sa transformation .L’action est cependant de longue haleine si l’on veut associer aux efforts pour retrouver des activités d’animation et des commerces ouverts tard dans la nuit le maintien et le refus de la disparition des logements existants encore dans les étages d’immeubles . Cela suppose que le secteur tertiaire , largement bien implanté dans l’avenue reste dans ses limites actuelles .Car l’opération d’embellissement de l’hypercentre destinée à rendre son prestige à la plus belle avenue de la capitale forme un tout indissociable .Dispositions réglementaires et prescriptions sur le bâti futur, directives et incitations pour les intervenants privés doivent être conjuguées et renforcées pour rendre cet espace urbain historique à son public, à ses habitants et en assurer la pérennité . La réhabilitation de cet héritage qui ne vient en rien contredire sa transformation progressive a aujourd’hui valeur d’exemple et offrira à la ville des modes d’action adaptés aux questions actuelles posées par le vieillissement d’un tissu qui a connu ses heures de gloire .La conduite du projet qui a associé le Ministère de l’Intérieur , La Municipalité de Tunis, la Direction de l’Equipement , L’Association de Sauvegarde de la Médina a montré une capacité de gestion et d’adaptation au contexte local .L’espace public objet et enjeu de ce projet urbain a pu être traité comme espace de voirie et espace de promenade en conservant les traits principaux de son intégrité .La diversité d’usages possibles et d’usagers qui le fréquentent aujourd’hui malgré le grand nettoyage qu’il a subi laissent penser que les citadins-citoyens peuvent vraiment acquérir droit de cité dans cet espace . La Petite Sicile à Tunis après le concours d’idées municipal de la ville de Tunis pour son aménagement , 2001-2008 . Le quartier de la Petite Sicile de Tunis naît à la fin du siècle dernier en 1897 à proximité du port sur des terrains gagnés sur les marécages . Lié aux activités portuaires et industrielles de la ville , il accueille une population pauvre d’immigrants du Sud de l’Italie , sardes et siciliens , dockers , ouvriers , artisans .Le tracé des voies et le parcellaire associent îlots réguliers et réseau viaire orthogonal progressivement viabilisés . Les grandes fonctions sont liées aux transports urbains avec la gare de marchandise , aux entrepôts, au port et aux métiers de petite industrie . Aujourd’hui l’ensemble se présente comme un quartier charnière du développement de la ville pris entre le pont de Carthage et le port , au point d’articulation de la croissance urbaine de la capitale vers le sud et vers le nord . Il comprend des fonctions mixtes , immeubles d’habitation de hauteur moyenne, hangars plus ou moins insalubres sur une grande partie des îlots au sud du quartier , petits métiers et services urbains sous formes d’ateliers et de petits commerces, immeubles neufs tertiaires produits d’opérations de rénovation au coup par coup . Une relative homogénéité caractérise ce quartier que l’on pénètre par les grandes voies de l’avenue de Turquie , de l’avenue Farhat Hached ou de la rue d’Italie . La Petite Sicile n’est pas loin s’en faut un quartier anodin . Ses grandes limites atteignent l’avenue Habib Bourguiba , l’avenue de Carthage et le cimetière du Jellaz . Les enjeux de son réaménagement, initié par le concours d’idées en architecture et en urbanisme lancé en 2000-2001 , portent sur la circulation , le transport et le stationnement dans l’hypercentre de Tunis , l’ouverture et la réhabilitation du paysage urbain sur le port et sur l’eau , la nécessité de maintenir des fonctions urbaines mixtes et de renouer avec la fonction résidentielle au centre-ville . Enfin la valeur exemplaire de ce réaménagement à l’échelle de la ville appelle une véritable réflexion sur l’urbain et sur son devenir à Tunis .Car il s’agit bien ici d’une confrontation entre réalités urbaines complexes et imagination créatrice des concepteurs qui réussisse à intégrer le quartier en devenir dans la nouvelle centralité urbaine . Le concours d’idées pour l’aménagement du quartier de la Petite Sicile et la révision de son plan d’aménagement a associé en février 2001 la Municipalité de Tunis et des équipes de concepteurs parmi lesquelles deux ont été retenues au premier tour . Il s’agit des équipes de M. Ahmed Ouardani architecte urbaniste et de M.Rachid Taleb architecte DPLG urbaniste DIUP .Au deuxième tour de la consultation c’est le projet de l’équipe de M.Ahmed Ouardani qui a été désigné lauréatet dont le projet a été approuvé par el Chef de l’Etat .Sur un terrain si fortement marqué historiquement , aux caractéristiques sociales et morphologiques actuellement significatives d’une histoire de plus d’un siècle les deux équipes lauréates du premier tour ont proposé des démarches urbaines et architecturales que nous présentons et examinons dans ce qui suit . La Petite Sicile , dont l’appellation correspond aussi à cet autre fameux quartier de la Goulette , a-t-elle été un morceau des bas quartiers de Palerme , d’Agrigente ou de Syracuse transplanté sur les rives d’Al Bouhaira à Tunis ? Tout ici et même à plus d’un siècle de distance témoigne d’une histoire d’osmose et de liens mêlés et tissés d’une rive à l’autre de la méditerranée . La facture des immeubles et leurs types architecturaux , le caractère des rues , la vie quotidienne populaire de cet ancien quartier d’ouvriers et de dockers , où fourmillent aujourd’hui citadins , mécanos et artisans , le relatif isolement et enclavement de cet ensemble que les concepteurs d’aujourd’hui ont pris à bras le corps pour proposer une ouverture chirurgicale de ce territoire à la modernité et au devenir de l’hypercentre de Tunis . Les qualités urbaines de l’ensemble du point de vue morphologique sont mises en évidence par les concepteurs . Ils parlent d’une trame orthogonale souple , propice aux adaptations et aux processus d’urbanisation à venir et de potentialités urbaines de réconciliation entre la ville et son hypercentre . Avec le concours d’idées pour le réaménagement de la Petite Sicile , voilà le quartier propulsé sur le devant de la scène , un ensemble de près de 80 hectares qu’il s’agit de remodeler , en créant selon les vœux municipaux un pôle commercial tertiaire et résidentiel de haut standing autour du port de Tunis et sur la presqu’île de Madagascar . L’objectif n’est rien moins que doter Tunis d’un nouveau visage à proximité de l’avenue Habib Bourguiba et d’étendre les activités tertiaires du centre-ville fortement demandeuses de terrain .Une nouvelle gare multimodale est prévue au sud du quartier , elle correspond au point d’ancrage et de démarrage de l’opération souhaitée par les services municipaux . Elle verra la réfection totale de l’emprise SNCFT actuelle et son réaménagement en un espace public majeur du futur quartier . La relation au port et à la future marina projetée au sud est également à l’ordre du jour à travers le délicat problème du franchissement de l’avenue de la République et du viaduc de la voie rapide Z4 ( Boulevard du Maghreb Arabe ) en direction du port .Enfin , il s’agit de repenser fonctions, morphologie et paysage urbain dans une nouvelle synthèse qui réussisse à désenclaver le quartier aujourd’hui passablement isolé et autonome . La proposition de l’équipe Lauréate de M. Ahmed Ouardani architecte urbaniste : Le principe d’aménagement du projet lauréat du concours repose sur l’articulation de pôles nouveaux du quartier autour d’espaces publics majeurs comme la place de l’Arrivée au sud aménagée devant la nouvelle gare et les places Abou El Kacem Ech-Chabbi et Ibn Khaldoun qui en créant des respirations dans le tissu appuient le principe de constitution d’un nouvel axe diagonal qui relie la place du 7 novembre à l’avenue de Carthage . Une « coulée verte » en forme de croissant suggère l’avenir des plantations urbaines à partir d’un autre axe diagonal qui va de la place Barcelone à la place de l’Arrivée . Pour répondre à l’objectif de désenclavement du quartier le concepteur a proposé de dévier la ligne du métro qui passe actuellement par l’avenue Farhat Hached vers la rue d’Italie et la place de l’Arrivée devant la gare multimodale . Cela permet de rétablir la continuité des voies nord sud du quartier vers l’avenue Habib Bourguiba . Nous sommes en présence d’un tissu à maillage orthogonal souple et adaptable à différentes fonctions qu’il faut aérer et désenclaver en créant des pôles à vocation culturelle et en reliant les trois places majeures du centre-ville de Tunis , la Place Barcelone , la Place du 7 novembre et la Place de l’Arrivée que nous proposons au sud du quartier .Nous avons pensé à une alternance de voies piétonnes et de voies véhiculaires pour irriguer le tissu et nous référons volontiers ici à celui de Santiago du Chili et à la voie principale du Mapocho . En déplaçant la gare existante de la place Barcelone vers le sud du quartier ajoute Mme Monia Ouefferli architecte on libère une grande emprise et suggère des possibilités de lier les tissus urbains de la ville neuve du début du siècle vers la rue Al Jazira et le faubourg sud de la Médina . D’autre part des voies d’accès principales et limites du quartier sont aménagées et élargies . Il s’agit de l’avenue de Turquie élargie sur sa rive est et de l’avenue d’Italie qui relie l’avenue de la République à Bab Alioua . Celle-ci présentera un terre-plein central planté de 30 mètres de large et des voies latérales à l’image du gabarit actuel de l’avenue Habib Bourguiba . Le franchissement de l’avenue de la République autre axe majeur qui avec la voie rapide Z4 barre l’accès au port est prévu par une liaison piétonne sous le viaduc avec la future marina .On prolonge le viaduc pour pouvoir passer en dessous avec un traitement paysager sur 50 mètres d’emprise et un retrait de 40 mètres prévu en limite du secteur d’affaires dont les immeubles sélèveront à R+5 .Cet axe accueille à son carrefour avec la Place de l’Arrivée, la gare et l’avenue d’Italie la Porte de la ville marquée par deux tours jumelles reliées par une passerelle au-dessus du viaduc . C’est une porte que nous avons voulu moderne, monumentale , à l’échelle du grand Tunis et noyée dans la verdure explique M .Ahmed Ouardani . Les tours jumelles s’élèvent à 32 mètres . Du point de vue des mécanismes de renouvellement du tissu , le concepteur a prévu le maintien et la sauvegarde de certains bâtiments et ilôts et le renouvellement total d’autres parties soit près de 2/3 du tissu existant.. Le parcellaire est dans sa majeure partie refondu et remembré pour accueillir de nouveaux immeubles dont l’échelle est comprise entre R+3 et R+9. Les types d’immeubles proposés sont des immeubles à grandes cours ou des immeubles-tours .Ils sont bâtis à l’alignement des voies existantes ou nouvelles jusqu’à une hauteur de R+3 puis adoptent des retraits pour les étages supérieurs . La mise en œuvre du processus de renouvellement du tissu de la Petite Sicile et de l’image de la ville au sud est complexe . Elle nécessite la résolution de problèmes fonciers , la coordination de nombreux intervenants , services et directions et leur fédération autour d’une volonté commune . Aujourd’hui souligne M.Ahmed Ouardani on s’aperçoit que cette coordination n’est pas faite et qu’il faut d’incessants allers-retours entre la Municipalité , la SNCFT , la Société du Métro léger et la Société SEPLT Lac Sud tous partenaires du projet , mais chacun venant avec sa propre idée de la façon dont on doit engager les transformations . La proposition non retenue de l’équipe de M.Rachid Taleb architecte DPLG urbaniste DIUP : Elle repose sur une prise en compte de l’existant à tous les niveaux et sur la mise en évidence des enjeux urbains majeurs que la Petite Sicile est appelée à résoudre de par sa situation dans l’hypercentre de Tunis .Ces enjeux selon le concepteur sont : (…) « La reconquête de l’hypercentre par la fonction résidentielle, la régulation du système des transports en vue de résoudre durablement les problèmes d’accessibilité , d’intégration des transports en commun et du stationnement , l’ouverture de l’hypercentre sur le lac et le port en vue de lui conférer une dimension ludique propre à renforcer son attractivité « . De ce fait ajoute M.Rachid Taleb , (…) « L’aménagement de la Petite Sicile devra être compris comme une opportunité de réconcilier la ville avec son hypercentre , source d’identité et de mémoire, lieu de la régulation du système économique urbain et national et espace de la décision « .(…) Pour résoudre les problèmes d’enclavement du quartier dans sa partie intérieure et le blocage des possibilités de liaison et d’extension par les grandes emprises ferroviaires le concepteur a proposé de considérer le quartier de la Petite Sicile comme « la clé de voûte de l’ouverture de la ville vers le lac » et d’insister sur les relations ouest-est . pour cela , la proposition s’articule autour du concept de « Patio » urbain , sorte de transplantation et de référence à une figure urbaine appréciée en méditerranée : le cours planté .Celui-ci est conçu comme un rectangle de 120 mètres de large par 400 mètres de long environ qui ouvre le quartier sur le lac et le port transformé en marina . Ainsi est affirmée la volonté de trouver ici une liaison importante avec le paysage de l’eau et de trouver un lieu à « l’espace de la citoyenneté et de la citadinité » . Le « Patio urbain « espace public majeur est marqué par deux tours de 30 étages et encadré par des alignements bâtis de R+9. Cet axe central débouche sur le port en passant sous le viaduc de l’avenue de la République qui constitue une limite et barrière autant visuelle qu’effective . D’autres caractéristiques marquent la proposition : celle de créer des espaces de proximité qui permettent de constituer des quartiers dans le quartier , celle de créer autour de la gare multimodale un pôle d’échanges , celle de prévoir des quartiers et des îlots qui permettent une hiérarchisation des espaces de rencontre . Dans l’ensemble la proposition ne vient pas bouleverser le tissu existant dont 1/3 environ est conservé à l’ouest du quartier mais au contraire s’inscrire subtilement dans l’existant en en renouvelant les parties les plus obsolètes . Les immeubles remarquables du quartier sont conservés . Une trame verte assure la plantation des voies existantes ou créées associée à une trame bleue de bassins et d’aqueducs .Elle se superpose à une trame piétonnière qui dessert les différents quartiers et îlots .Squares et esplanades , perspectives urbaines et alignement d’arbres émaillent la proposition qui présente des extérieurs hiérarchisés associant le minéral, l’aquatique et le végétal . Les propositions retenues au premier tour ne s’inscrivent pas forcément dans les mêmes choix urbanistiques et architecturaux mais témoignent de l’importance et du rôle majeur des espaces publics dans la redéfinition de l’image urbaine du quartier . L’irréductible nécessité d’une démarche urbaine et architecturale cohérente , et la vision globale du projet urbain sont ici soutenues par les choix que les concepteurs auront fait porter par l’espace public . Le plus difficile aujourd’hui à partir de la vision proposée par le projet lauréat est de confronter les points de vue et d’assurer la coordination et la concertation des différents acteurs publics impliqués . Fédérer les initiatives autour des images du projet urbain approuvé semble plus complexe que prévu . Pour le quartier de la Petite Sicile une nouvelle aventure du projet urbain commence , celle des dialogues et des conflits , celle du début des démolitions , du réaménagement , et des interventions qui iront de la réparation urbaine à la restructuration lourde et à la rénovation totale .Le nouveau visage de Tunis au centre qui va s’esquisser à travers le réseau des rues et des places aura valeur exemplaire pour d’autres opérations urbaines .Le concours d’idées pour l’aménagement de la Petite Sicile a permis l’ouverture du débat sur l’urbain et la confrontation entre réalités urbaines et mobilisation créatrice des concepteurs .On pourrait regretter que ce débat aujourd’hui ne concerne que les professionnels et que les acteurs de la société civile en soit encore absents . Cependant , le coup d’envoi est donné .L’assainissement de la question foncière et la mise en place de règles urbaines et architecturales , de règlements d’îlots , d’une coordination urbanistique liée au suivi architectural et à la faisabilité des différents projets sont fortement requis pour garantir la cohérence de l’espace public produit et la vision d’ensemble de cette renaissance du quartier de la Petite Sicile . De 2001 à 2008 , le projet d’aménagement de la Petite Sicile à stagné tout en connaissant un éparpillement des pôles décisionnels à travers les différents services concernés Municipalité, Ministère des Transports, Ministère de l’Equipement, de l’Habitat et de l’Aménagement du Territoire, Bureaux d’études. Chacun y va de ses propositions dont certaines sont contradictoires et le plan d’aménagement initial de l’architecte Lauréat n’est plus aujourd’hui d’actualité. Des zones prioritaires ont été définies dans le quartier .La plus proche de l’hypercentre est du ressort de la Municipalité (Zone1) sur laquelle la Direction de la réhabilitation et de la rénovation urbaines de la Municipalité entend réaliser un forum , grande place publique de 7000 m2 bordée d’immeubles et d’activités de loisirs et de récréation. Les autres zones (Zones 2, 3, 4) sont partagées entre les compétences du Minsitère de l’Equipement, de l’Habitat et de l’Aménagement du territoire et du Ministère des Transports. Entre les différents services les débats contradictoires soulignent entre autres la question épineuse de la circulation et du maintien de la ligne du métro aérien. Plus aucune vision d’ensemble du projet ne semble être maintenue . Après avoir sollicité et évincé un bureau d’études Barcelonais puis des investisseurs italiens , les acteurs institutionnels sont en attente de financements qui permettraient d’inscrire le projet de la Petite Sicile dans le cadre du grand projet d’aménagement du Lac Sud. Sur place, le terrain résiste et la situation foncière compliquée demeure le meilleur frein à toute vélleité d’aménagement radical irrespectueux de l’existant. Les habitants ont vu dès 2004 les premières démolitions sur la rue de Turquie et dans d’autres rues intérieures au quartier que l’on a débarrassées de leurs anciens hangars vétustes . Mais les réalités complexes de la Petite Sicile, liées au devenir du port de Tunis et au projet d’aménagement du lac sud résisteront –t-elles encore longtemps à la révolution qui s’opère actuellement dans les modes de production de l’urbain et de la ville à travers de grands projets à investissement massif étranger ? Les berges du Lac Nord de Tunis, l’aménagement de la deuxième tranche : des principes à la mise en œuvre 1997-2008 : Le Lac de Tunis , cette ample et superbe respiration du site de la ville a vu proposer ces dernières décennies sur ses berges un vaste projet d’assainissement et d’aménagement soutenu par une gestion du projet urbain novatrice qui tente d’intégrer toutes les dimensions de la ville : Tunis , ses infrastructures, son paysage naturel et urbain et ses habitants . Le lac à la fois joyau et objet de répulsion de la cité, El Bahira ou El Bouhaira aujourd’hui, n’a cessé de susciter des réactions , des rêveries et des propositions contradictoires quelquefois , invitant à son comblement et à son urbanisation comme si une telle étendue « naturelle » ne pouvait plus continuer à exister à l’heure des réflexes hygiénistes et des spéculations dont faisait l’objet la ville moderne naissante au début du siècle . Ce lac d’une superficie de 3000 hectares , coupé de la mer en 1960 par comblement du canal de la Goulette (Halq El Oued) , va attendre une vingtaine d’années ( 1983 ) pour voir lancer un projet d’assainissement et d’aménagement global dont les capitaux associent l’Etat Tunisien et le financement d’un investisseur Saoudien. Il sera finalement assaini de 1985 à 1988 libérant ainsi au total 1600 hectares de terres remblayées au profit des communes de Tunis et de La Goulette. Deux sociétés de promotion sont crées, l’une pour le lac nord , la SPLT , l’autre pour le lac sud , la SEPTS . L’impulsion est donnée pour prévoir le cadre de vie futur de 350.000 habitants sur plus de 2500 hectares , projetés à l’horizon 2030. Soit une véritable ville nouvelle aux caractéristiques et aux enjeux différenciés selon qu’il s’agisse du projet du Lac nord ou de celui du Lac sud mais qui toutes deux doivent permettre le redéploiement de la centralité urbaine à travers un continuum urbain « de standing » . Le Lac Nord devant porter l’urbanisation et l’harmonisation des fonctions urbaines de Tunis à la Goulette .Le Lac Sud plus complexe à aménager devant assurer la « reconversion » des quartiers sud industriels et populeux de la ville et équilibrer le développement futur de l’agglomération en cette région avec comme point focal la reconversion aux portes de Tunis du port en port de plaisance et le réaménagement des quartiers de la Petite Sicile et de la Gare de marchandises actuelles . Le Projet de restructuration du Port et de la Petite Sicile sont encore à l’épreuve des premières démarches administratives .Par contre , nous avons vu s’élever depuis quelques années le long de la route menant vers la Marsa par la GP9 , la première tranche de l’opération d’aménagement du lac nord nommée « lotissement El Khalig » qui associe , équipements de loisirs , bureaux , immeubles de logements , commerces et secteurs de villas résidentielles dans un ensemble qui peu à peu se densifie .Les espaces publics réalisés dans cette première tranche ont permis de structurer un ensemble de près de 300 hectares le long de l’axe principal de la GP9 .La mise en place d’un règlement d’urbanisme détaillé n’a pu cependant à elle seule assurer cohérence urbaine et architecturale dans cette première partie où les édifices se confrontent les uns aux autres comme autant de morceaux d’architecture et d’objets disparates, isolés dans leur terrain . La deuxième tranche du projet d’aménagement des Berges du Lac Nord : En cours de réalisation cette partie du projet d’ensemble concerne l’aménagement de 700 hectares au nord du lotissement existant pour une population totale de 70.000 habitants . Soit , une véritable ville nouvelle au centre de l’agglomération du Grand Tunis , prise dans le périmètre communal de la ville de la Goulette . L’urbaniste concepteur désigné pour le projet M.Jellal Abdelkafi souligne que l’ouverture à l’urbanisation de ces terrains est une occasion unique pour la ville et ne se répètera pas deux fois .Déjà , travaux de voirie , bretelles , giratoires et tracés des emprises principales ont été réalisés et pour certains mis en service . Les mats d’éclairage et les plantations des voies de la future deuxième tranche du projet sont en cours de mise en œuvre et matérialisent face au paysage serein du Bou Kornine et aux collines sud le dessein de l’urbaniste . Le plan d’ensemble du projet participe d’une vision urbaine qualitative hiérarchisée et raisonnée qui structure l’ensemble comme un quartier autonome . Les espaces publics , places , voies et carrefours , artères y jouent un rôle structurant . Le quartier central s’articule autour d’une avenue principale de dimensions sensiblement similaires à celles de l’avenue Habib Bourguiba du centre-ville . Orientée est-ouest cette avenue traverse le quartier de part en part et accueille des perpendiculaires de desserte des différents secteurs .Cependant au lieu de se connecter logiquement avec la voirie principale adjacente elle est obligée de se replier sur elle même dans une figure autarcique car les difficiles confrontations entre les directions de la voirie et la société gestionnaire de l’opération n’ont pas autorisé ce qu’aurait souhaité la logique du maillage urbain .Ainsi la gestation du projet même des espaces publics a-t-elle été tributaire des allers-retours entre les différents partenaires techniques du projet urbain , Ministère de l’Environnement , Direction de l’Urbanisme , Ministère de l’Equipement , Société de Gestion du Projet d’Aménagement ( SPLT) . Les quartiers résidentiels limitrophes du centre tels « les jardins du lac » sont structurés par des perspectives sur le lac et par une voie piétonne continue qui débouche sur l’avenue principale . Selon les secteurs , les îlots sont bâtis à l’alignement ou en retrait des voies publiques .Le découpage des lots à bâtir obéit à un raisonnement pragmatique et souple sur l’orientation des immeubles et les capacités constructives souhaitables de ces terrains susceptibles d’accueillir des programmes variés . Une corniche continue , véritable promenade sur les berges du lac permet d’aboutir sur une grande esplanade au lieu dit Bab Bhira . Au nord du lotissement , le long de la RR32 régularisée prend place une vaste zone de parcs urbains initiés autour d’une figure en fer à cheval qui s’achève au lieu dit Bab Carthage .Au nord de cette zone prend corps aujourd’hui un autre nouveau lotissement réalisé par l’Agence Foncière d’Habitation , l’opération de Aïn Zaghouan sur 300 hectares dont on peut regretter le manque d’articulation avec le Plan d’aménagement des Berges du Lac Nord . Celle-ci apparaît comme une figure rapportée née de l’opportunité de la mise en valeur des terrains proches dont les liaisons avec l’ensemble paraissent discutables . Cette opération n’a fait l’objet d’aucun concours et a été programmée en régie . Le projet d’ensemble des Berges du Lac Nord a fait l’objet d’un plan d’aménagement général et d’études détaillées de la faisabilité des lotissements des différents secteurs . Les moyens semblent réunis au départ pour que l’on produise un tissu urbain cohérent à condition cette fois que l’on assure réellement la liaison entre architecture et urbanisme . Les organismes de gestion existent , les règlements également et la vision harmonieuse de l’urbaniste est portée par un plan d’ensemble dont l’approbation complète a nécessité de longues et lourdes procédures . Cependant la coordination du détail et de l’architecture des édifices est laissée à l’initiative de la commune de la Goulette qui délivrera les permis de construire . Le plan d’aménagement urbain reste lui laconique sur les prescriptions architecturales et les règles minimales de composition urbaine auxquels les bâtiments devraient se plier . Cependant l’article 11 du Règlement d’urbanisme préconise et cela est nouveau que les bâtiments dont l’aspect est laissé à la libre interprétation des architectes devront se conformer au « style arabo-islamique » . La logique et la cohérence d’aménagement des Berges du Lac Nord selon le plan du concepteur J.Abdelkafi, déjà battue en brèche par l’opération limitrophe de Aïn Zaghouan est en passe de s’interrompre avec la création toute récente du projet de la future « Cité Sportive » au nord de la zone sur les reliques de la forêt d’eucalyptus au sud de la route GP9 vers la Marsa. La future « Cité sportive » du Lac nord (2006-2008) : La « Cité sportive » au nord de la deuxième tranche nord-est des Berges du Lac est l’un des grands projets d’aménagement de la lagune de Tunis qui associe L’Etat Tunisien, la SPLT et le groupe financier Emirati « Boukhatir » depuis 2006. Le programme prévoit la construction de 11,7 millions de m2 SHON sur 1300 hectares pour une population escomptée de près de 300.000 habitants dont la moitié seront résidents. L’ensemble doit comprendre zones d’activités et de services, équipements publics et sportifs, espaces verts à raison de 30% de la surface totale aménagée, pour un coût total estimé à 5 milliards de dollars. Sont convoqués à travers ce projet , le rôle de l’Etat en matière « d’intégration du Grand Tunis dans son environnement national et international », le respect des normes environnementales, le renouvellement de l’image urbaine de la capitale. Le projet de cette ville nouvelle est destinée aux élites de la jeunesse. Jouxtant le plan d’aménagement réalisé de la deuxième tranche nord-est des Berges du lac nord , une nouvelle cité doit voir le jour dont l’esquisse d’aménagement général a été confiée d’abord à un bureau d’études (La SCET) et à un architecte tunisien qui a projeté une cité lacustre verte. Puis cette participation a été remise en cause pour faire intervenir des bureaux d’études successivement italiens et anglais. Les compétences tunisiennes sont dans ce projet infimes et relatives pour un ou deux architectes à la réalisation de grands équipements sportifs . Nulle part n’est envisagée leur inscription au plan urbain et au niveau de la cohérence attendue avec les éléments préexistants urbains ou naturels. Cette Cité sportive, dénommée en anglais « Tunis Sport City », se présente ainsi comme une création ex-nihilo , qui vient ajouter une nouvelle fragmentation de l’espace urbain avec pour seule argumentation la rentabilité foncière et financière de l’opération. Dans l’état actuel d’indigence des informations et des réactions publiques à ce projet , force est de constater que l’urbanisme décisionnel à Tunis échappe au débat et à la concertation avec les différents acteurs impliqués et concernés par l’avenir du Grand Tunis.Aux dire des experts , les promoteurs du groupe Boukhatir sont des spécialistes internationaux en matière de cités sportives . On notera que les questions essentielles d’espace public, de voirie, de forme urbaine, de réponse aux exigences du paysage naturel sont évacuées au profit d’une seule idée fondatrice le sport. Le projet d’aménagement du Lac Sud et ses dernières retombées 1998-2008 : Le Lac Sud a été assaini de 1998 à 2001 avec la réalisation de 900 hectares de remblais. Sa surface est ainsi passée de 1600 hectares de plan d’eau à 710 hectares, réalisant une atrophie de l’espace naturel avec notamment la disparition des salines et celle d’oiseaux rares comme les flamants roses. L’opération d’assainissement du Lac sud à produit 790 hectares de terrains cessibles à aménager auxquels s’ajoutent 225 hectares de voirie et de zones de servitudes d’urbanisme. Le Lac sud est appelé selon les objectifs officiels à devenir un nouveau pôle régional entre les communes de Radès et de Mégrine et à constituer une ouverture et une façade sur le lac face aux Berges du Lac nord. Si les visées globales de cet aménagement sont de renforcer le réseau des centralités du Grand Tunis, les réalités du Lac sud et des ensembles urbains auxquels il s’adosse sont très différentes du contexte du Lac nord. La banlieue sud de tradition populaire et ouvrière, à l’espace grevé d’emprises industrielles et ferroviaires, à la population mixte, présente une hétérogénéité d’espaces et de formations urbaines. Ici le Lac sud apparaît comme un espace beaucoup plus complexe que Lac nord compte tenu des contraintes du site et des réalités socio-spatiales. En 2000 est confiée au groupement de bureaux d’études Tunisiens Dirasset-Getcau , la réalisation d’un plan d’aménagement de détail de la zone afin de réaliser une ville nouvelle .Selon les concepteurs cette ville est envisagée en termes de « mixité sociale » et de « creuset social ». Les concepteurs proposent un plan qui distingue les Berges du Lac sud et ses réserves foncières et le port de Tunis à déclasser et à aménager. L’aménagement des Berges propose un plan radioconcentrique qui converge vers un centre polyfonctionnel prolongé par un espace vert qui s’ouvre vers le lac.Une ceinture périphérique dédouble le trafic de la RR33 et évite le transit à l’intérieur du site. Trois axes rayonnants et convergents doivent assurer la communication avec les communes de Radès, Sidi Rezig, Mégrine et crréer des échappées visuelles pour les quartiers limitrophes situés en arrière plan. La densité du projet est forte 150, habitants à l’hectare et les tissus projetés associent immeubles de grande hauteur le long des grands boulevards et forte proportion d’espaces verts.(35% de la surface brute du projet). La frange des Berges est occupée par des espaces paysagers, de loisirs, d’animation et d’activités touristiques peu denses (15 à 20% de la superficie des terrains) avec des constructions basses à R+2.En arrière plan les concepteurs projettent du collectif isolé haut avec des hauteurs constructibles de 35 à 40m. Ainsi les typologies de petit collectif, d’individuel et de « tours » sont représentées en fonction d’une mise en scène sur l’eau. Le site demeure fortement contraignant , avec ses nombreux tissus industriels promis à la restructuration, dont la grande cimenterie de Djebel Djelloud est le meilleur exemple, ses quartiers d’habitat informel pauvre tels la Mallaha de radès et la Cité Chaker de Mégrine, ses zones de remblais pollués, ses rejets d’eaux usées dans le lac même. On le voit quelles que soient les qulités et les lacunes du projet d’améngament présenté par les bureaux Dirasset-Getcau, les enjeux et les contraintes sont ici multiples et complexes. Concertation, cohérence, coordination sont ici éminemment convoquées. Le nouveau projet du Lac Sud , « La Cité du Siècle, Sama Dubaï » : Or tout cela vient d’être balayé par l’irruption d’un nouveau projet baptisé « La Cité du Siècle » dans le cadre du nouveau montage financier de l’opération d’aménagement du Lac sud depuis 2006 qui associe l’Etat Tunisien, et la société Emiratie , Dubaï Holding. Avec un nouveau projet du nom de « Sama Dubaï », un autre grand projet voit le jour . Le projet prévu pour les 15 prochaines années est considéré comme l’un des plus importants projets d’investissement en Tunisie. La société immobilière Sama Dubaï , entend investir une somme de 14 milliards de dollars dans la construction de cette ville nouvelle. Le projet s’étend sur 830 hectares pour une prévision de 26 millions de m2 SHON à construire. Les 830 hectares ont été cédés pour un prix symbolique aux investisseurs en échange de leur investissement et des garanties de leur savoir-faire pour des projets similaires. Il serait intéréssant à ce titre de connaître les projets de référence qui vont servir à la « Cité du Siècle » à Tunis . Le plan d’aménagement de détail des bureaux d’études tunisiens Dirasset et Getcau pour le Lac sud et le port de Tunis approuvés en partie par les communes de Radès et de Mégrine pour ce qui concerne l’aménagement des Berges du Lac sud n’est d’un seul coup plus d’actualité .Ni d’ailleurs aucune démarche de ce genre requérant l’approbation des autorités communales tunisiennes. Seules comptent les désidérata des promoteurs de la société Dubaï Holding et leur expertise en la matière dont la validité n’est plus à démontrer puisque l’argument principal est celui de la rentabilité financière et économique du projet. La presse officielle tunisienne s’en fait écho pour qui les opérateurs « savent faire, exploiter, gérer » dans le cadre du marché international et sont donc pour cela dignes de crédibilité. Dans le plus grand secret médiatique c’est maintenant le bureau d’études Moyen-Oriental Dar al Handasah qui élabore à partir du Caire et de Beyrouth un « Master Plan » dont la presse tunisienne affirme qu’il sera nommément approuvé mais on ne sait par qui. Perspectives et images publicitaires de la « Cité du Siècle » fleurissent sur les sites internet sans que l’on puisse mesurer réellement l’échelle et les retombées concrètes de ce nouveau projet visionnaire totalement coupé des réalités locales . Des tours voisinent avec des immeubles et des maisons à tuiles proses dans des parcs et des bords d’eau .Les perspectives vantent ce que les concepteurs internationaux imaginent du Tunis du futur métropolisé. Les limites de ce projet autarcique avec l’existant et les rives populaires ne sont nullement évoquées et dessinées. La clientèle étrangère est la première visée car on ne saurait proposer raisonnablement aux Tunisiens, toutes catégories sociales confondues, ce genre d’habitat de standing avec ce type d’images urbaines. Quoiqu’il en soit un haut conseil d’experts examine à la Présidence de la République Tunisienne les tenants et les aboutissants du futur projet .Il est aujourd’hui le seul garant en dehors de tout débat public de l’adéquation du projet global aux réalités et de sa cohérence future . Pour faire de Tunis une « plateforme régionale pour le service et les affaires », l’Etat Tunisien s’est engagé entre autres avec le groupe Dubaï Holding avec pour guide de cette action décisive à long terme le Président de la République lui-même. Ainsi sur un sous sol vaseux et en partie contaminé à proximité de zones industrielles et populaires de résidence va naître une « Cité du Siècle » qui doit situer clairement la ville de Tunis entre les grandes capitales européennes et celles du monde arabe . Est-ce le meilleur moyen d’y arriver ?Nombre de questions et d’incertitudes existent aux yeux du public tunisien qu’une infime partie des informations réelles atteint. La « Cité du siècle « est en gestation , nul ne peut aujourd’hui prédire de ses caractéristiques réelles, de sa destination et des réelles et grandes retombées qu’elle aura sur la structure urbaine particulièrement pour la banlieue sud de la ville. Conclusions : On l’aura compris à travers les exemples de grands projets analysés, les termes qui font problème à Tunis en matière d’aménagement sont ceux là mêmes d’espace public, de projet urbain et de débat . Les significations données à ces termes dans les capitales européennes du sud de la méditerranée et à Tunis ne recouvrent pas les mêmes contenus ni les mêmes procédures. Ces significations n’engagent pas la même concertation d’acteurs publics ou privés , ni les mêmes volontés de vision politique globale des enjeux et des projets. A Tunis nous sommes à la fois face à l’émiettement des compétences techniques et des approches sectorielles et à celle du primat du fait du prince. Le débat a malgré tout lieu , dans tout espace public de la ville , entre les habitants-citoyens et auprès des techniciens et professionnels de l’espace mais il n’est jamais rendu public sauf pour les députés ou conseils municipaux chargés d’avaliser les décisions prises au plus haut niveau. Dans cette situation , concepteurs, urbanistes, paysagistes, architectes tentent par leur travail quotidien et leur confrontations à des procédures administratives fort lourdes d’avancer. Mais on le sait , il ne suffit pas d’appliquer des principes d’urbanisme raisonné pour produire une ville dotée des qualités de continuité et de centralité où le temps et les valeurs d’usage ont fait leur lente œuvre de sédimentation . La gestion complexe par tous les acteurs du processus de mise en œuvre des morceaux de villes nouvelles est ici primordiale de même que le positionnement décisif de l’action communale . La formation des quartiers , leur articulation aux plans architecturaux et urbains dépendent d’une véritable association des compétences techniques et de la coordination architecturale et urbanistique qui va de l’ensemble au détail des îlots et des parcelles bâties à l’usage que l’ on en attend . A ce titre en l’absence à Tunis d’une autorité professionnelle compétente et de la traditionnelle figure de l’urbaniste architecte coordinateur , Municipalités , Directions techniques et Sociétés de gestion ont ici une grande responsabilité car elles sont censées remplir le rôle du vide existant . L’autre versant relève du talent des maîtres d’œuvres et de leurs rapports complexes avec les promoteurs et commanditaires . Les conditions dans lesquelles s’engage aujourd’hui en 2008 l’action urbanistique à Tunis n’ autorisent plus beaucoup d’ espoirs . Pour passer des principes à la réalité d’un futur envisagé à un « ici et maintenant » dans le cadre d’une ville durable qui soit le prolongement des centralités actuellles et le tremplin d’une hypothétique métroplosition, il va falloir aller contre les vents courants. Evincés de la scène de l’action , les concepteurs et techniciens Tunisiens prendront-ils quand même part au débat pour affirmer la pensée de l’intégration sociale , l’adaptabilité requise des programmes et celles des projets urbains au rythme complexe de la ville ? Leïla Ammar 11.03.08 Version provisoire

The Impact of High House Prices on Younger Generations

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